Lors d’une récente conférence en ligne, Dr Séraphin Moundounga, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a apporté une contribution marquante au débat sur la séparation des pouvoirs dans le contexte du projet de nouvelle Constitution du Gabon. Son intervention a souligné l’importance de clarifier cette notion fondamentale pour renforcer l’État de droit, les droits de l’Homme et les valeurs démocratiques.
Une séparation rigide des pouvoirs : une utopie ?
Dr Moundounga a rappelé que, malgré les théories fondatrices de John Locke et de Montesquieu, aucune séparation rigide des pouvoirs n’a pu s’imposer dans le monde moderne. En effet, Locke prônait une hiérarchisation des pouvoirs, privilégiant le législatif mais excluant le pouvoir judiciaire en tant qu’entité indépendante. Pour lui, ce pouvoir n’était qu’un « pouvoir fédératif » ayant pour rôle de gérer les affaires internationales. Cette perspective a néanmoins influencé des textes majeurs comme la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776) et la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen (1789).
De son côté, Montesquieu a proposé une approche plus nuancée dans L’Esprit des lois (1748), en suggérant que chaque pouvoir devait collaborer avec les autres pour prévenir tout abus de pouvoir. Cette vision, plus souple, a marqué la structure de nombreuses démocraties contemporaines, favorisant une flexibilité institutionnelle plutôt qu’une séparation stricte.
Les modèles contemporains : souplesse et interdépendance
En s’appuyant sur des exemples internationaux, Dr Moundounga a montré comment, dans les régimes dits présidentialistes, comme celui des États-Unis, l’exécutif influence à la fois le législatif et le judiciaire, mettant en évidence l’absence d’une séparation absolue. En Europe, des systèmes comme ceux de la France et du Royaume-Uni présentent également une interaction étroite entre les pouvoirs, malgré leur autonomie apparente.
Ce constat a été central dans l’intervention de Dr Moundounga, qui a invité à réfléchir sur la nécessité d’adopter un modèle flexible, où les pouvoirs interagissent tout en préservant un équilibre, afin de garantir la stabilité démocratique.
Une réforme constitutionnelle pour le Gabon : entre tradition et innovation
Alors que le projet de nouvelle Constitution est désormais rendu public, Dr Moundounga a souligné l’importance d’inscrire le Gabon dans cette lignée de réflexion, où la séparation des pouvoirs n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre un équilibre au service de la démocratie et de la protection des droits fondamentaux. Il a invité les responsables politiques et la société civile à s’inspirer des nuances historiques et conceptuelles des théories de Locke et de Montesquieu pour adapter un modèle équilibré au contexte gabonais.
Vers un modèle gabonais de séparation des pouvoirs
Pour Dr Moundounga, cette réforme constitutionnelle représente une opportunité unique de renforcer la structure démocratique du Gabon en assurant une véritable interaction entre les pouvoirs. Son intervention éclaire ainsi le débat en rappelant que l’efficacité de la séparation des pouvoirs repose sur une collaboration harmonieuse entre les institutions, à la fois pour prévenir les dérives et pour garantir les droits des citoyens.
Notons que, l’appel de Dr Moundounga à une séparation des pouvoirs souple mais équilibrée résonne comme un pilier essentiel pour le développement démocratique du Gabon. Alors que le pays s’apprête à adopter une nouvelle Constitution, cette vision pourrait servir de fondement à une gouvernance plus stable et respectueuse des droits humains, contribuant ainsi à la consolidation de l’État de droit.