L’ancien président de l’assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, sait que son heure a peut-être sonné. Si en 2016, il avait fait une erreur stratégique en sortant trop tardivement des rangs du parti démocratique gabonais (PDG), tandis que cela faisait deux ans que Jean Ping allait au contact des populations en sillonnant le Gabon, cette fois ci, il sait qu’il doit attaquer le parti au pouvoir là où ses responsables tentent de donner des leçons aux autres: la bonne gouvernance et la lutte contre les détournements de fonds publics.

En braquant les projecteurs sur le fonctionnement du PDG, Guy Nzouba Ndama fait un tir à plusieurs coups. Il s’adresse d’abord au pouvoir qu’il disqualifie pour parler de bonne gouvernance. En effet, lorsque soi-même on collectionne des poutres dans ses yeux, inutile de commenter les brindilles perceptibles dans les yeux d’autrui.

Puis, le Président des Démocrates s’adresse aux populations qu’il prend à témoin devant cette incongruité de gestion. Au moment où de plus en plus de gabonais peinent à joindre les deux bouts, voilà que le pouvoir en place choisit d’utiliser l’argent du contribuable pour financer ses kermesses politiques. Une manière de susciter un certain état d’esprit répulsif à l’égard de ceux qui devront commencer à faire du terrain. Cette attaque violente de Guy Nzouba Ndama contre le PDG est tout sauf anodine.

Ensuite, Guy Nzouba Ndama envoie un message aux partenaires occidentaux chez qui cette problématique de financement bizarre des partis n’est pas sous-estimée. Souvenons nous du cas de Nicolas Sarkozy qui subit le martyr judiciaire avec l’affaire Bygmalion encore appelée l’affaire des comptes de campagne de 2012.

En relevant cette anomalie, l’union européenne comme bien de pays occidentaux ne peuvent rester indifférents à ce déni de démocratie patent. Il en est de même pour ceux qui étudient la demande d’adhésion du Gabon au Commonwealth. Le respect des droits d’autrui demeure un élément fondamental.

Enfin, l’ancien président de l’assemblée nationale sait combien de fois les députés ont été agacés de voir leur argent retenu à la source pour assurer les cotisations devant faire fonctionner le parti. En agissant ainsi, il crée volontairement de la tension chez ceux qui ont récemment reçu le président de la République venu solliciter leur soutien et leur loyauté.

En même temps, on revit l’épisode de la fin de Nicolas Sarkozy. C’est-à-dire, Guy Nzouba Ndama sait que les cadres du parti au pouvoir souffrent en silence de la situation dramatique qui sévit au sommet de l’État. Malheureusement, beaucoup n’auront pas le courage d’Alexandre Barro Chambrier de dire non et de claquer la porte avec ses compagnons politiques pour exprimer leurs désaccords face à tout ce qui se faisait dans le parti et à la présidence de la République. Un départ des rangs du PDG qui finalement n’avait pas les mêmes motivations que ceux qui y sont revenus, toute honte bue.

Ainsi, le président des Démocrates se présente à la face du monde comme une alternative crédible, un gestionnaire ordinaire la chose publique.

Enfin, une des hypothèses à ne pas exclure, c’est celle de brouiller les pistes des éventuelles collusions et autres connivences secrètes. Agendas cachés avait-il dit devant le parlement réuni en congrès. En attaquant le fonctionnement du PDG, Guy Nzouba Ndama peut vouloir montrer qu’il n’y a aucun lien avec ses anciens camarades accusés de gérer les fameux agendas cachés. Il n’aura échappé à personne qu’il est de l’Ogooué Lolo comme la majorité des cadres du trésor public, comme le secrétaire général du parti au pouvoir et comme le président de l’assemblée nationale, qu’il a été un ancien et haut cadre influent du PDG et un ancien président de ladite assemblée, respecté par les siens. A ces titres, il jouit d’une certaine considération auprès de ceux l’auraient voté sans état d’âme en 2016 s’il n’avait pas laissé la place à Jean Ping.

A ce stade des enjeux, pour un fin stratège comme Guy Nzouba Ndama tout ce qui peut déstabiliser le pouvoir en place est bon à mettre sur la place publique. Voici un élément supplémentaire qui prouve que l’actuel directoire du PDG n’est pas à sa place. Même convaincre les militants de cotiser pour un fonctionnement ordinaire du parti, il n’arrive pas. C’est demander aux populations de voter Ali Bongo Ondimba pour un troisième mandat avec les réalités présentes, personnelles, internes et extérieures, que nous connaissons que ce directoire arrivera? Certainement pas.

C’est bien les cadres du RPR de Jacques Chirac qui avaient aidé François Mitterrand à prendre le pouvoir en 1981 contre Valéry Giscard d’Estaing comme c’est bien les cadres de l’UMP qui ont mis Nicolas Sarkozy dehors au profiter de François Hollande qu’ils ont dit qu’il ferait un président normal. Guy Nzouba Ndama l’a compris et il agit en conséquence.

Par Télesphore Obame Ngomo