Cette thèse est un document scientifique de travail pour les décideurs, la CEEAC et les forces armées, de défense et de sécurité multinationales pour comprendre l’ancrage conflictuel et dichotomique en Afrique Centrale mais également en Centrafrique.

Le 06 janvier 2024, la Filière Histoire des Relations Internationales du Département d’Histoire et Archéologie de l’Université Omar Bongo a présenté une candidate à l’illustre grade de Docteur.
L’impétrante a présenté son travail autour de la thématique de recherche : « le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) et son action dans le processus de résolution de la crise centrafricaine (2000 à 2013).
Cet exercice scientifique qui a duré 3 heures était composé d’un jury de cinq (5) membres à savoir :
1)Présidente du Jury : Madame Monique Mavoungou Bouyou, Maître de Conférences. Université Omar Bongo, Gabon.
2)Rapporteur externe : Monsieur Joseph Zidi, Maître de Conférences. Université Marien Ngouabi, Congo.
3)Rapporteur interne : Monsieur Rufin Didzambou, Maître de Conférences. École Normale Supérieure, Gabon.
4)Examinateur : Monsieur Abraham Zéphirin Nyama, Maître de Conférences. Université Omar Bongo, Gabon.
5)Directeur : Monsieur Jean-François Owaye, Professeur Titulaire. Université Omar Bongo.

Marie-Claude Ngningone Ateme, devant le juy lors de sa thèse de doctorat 

Marie-Claude Ngningone Ateme saluant le jury après sa brillante soutenance de thèse de doctorat.

Le choix de cette thématique obéit à des motivations personnelles et rationnelles. Il s’agit d’évaluer la perception de l’implication du Gabon, à partir de l’époque du président Omar Bongo Ondimba dans les médiations des crises internes à la République centrafricaine. De façon objective, l’efficacité pratique de la gestion des crises sociopolitiques en Centrafrique est fréquemment questionnée par les chercheurs de tous horizons. En souhaitant citer quelques-uns nommément, il s’agit de: Jean Corniche; Bertrand Badié ; Jean-François Bayart ; François Gaulme ; Pierre Kalck ; Jean-Joël Brégeon ; Jean Cantournet ; Emmanuel Chauvin et Jean François Akandji Kombé.
Ce travail se singularise des autres en ce qu’il étudie minutieusement l’intervention de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) dans ses efforts consentis par ses mécanismes sécuritaires.

Cette nouveauté réside dans l’ambition de scruter l’intelligence des faits, en mettant l’accent sur le jeu des acteurs. Sur le plan de la recherche scientifique, les historiens des Relations internationales n’en ont fait qu’une préoccupation presque marginale. Cette attitude des chercheurs est un peu surprenante au regard de l’importance désormais prise, dans les organes universitaires de recherche, par les problématiques de sécurité/développement que visent obstinément les Etats africains. Dans la perspective des peaces studies, l’attention des chercheurs a été attirée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui a déclaré l’an 2000 « année internationale de la culture de la paix ».

En effet, le COPAX est le premier mécanisme de sécurité collective sous-régionale mis en œuvre par la CEEAC le 25 février 1999 à Yaoundé au Cameroun et regroupant les 11 États de l’Afrique centrale. Ce mécanisme fait partie intégrante de l’Architecture africaine de paix (APSA). C’est un organe de concertation politique et militaire des États membres de la CEEAC. Il a pour tâche de prévenir les conflits, d’éviter l’escalade en cas de tensions, et de consolider la paix en contexte post-conflit. A cet effet, il est compétent pour traiter tant des conflits interétatiques que des conflits internes aux Etats membres.

Cette problématique, antérieure à cette thèse de doctorat a pour cadre spatial la République Centrafricaine, et mobilise depuis des années, l’attention internationale. Des faits, plus ou moins explosifs, dont certains datent de la période de transfert de la souveraineté le 13 août 1960 à travers l’indépendance, entretiennent des incompréhensions et des tensions dans le pays. L’État, mal articulé avant et après l’ouverture démocratique de 1990, peine à se déployer convenablement du fait d’une instabilité politique chronique marquée par des coups d’Etat à répétition. Pour s’en tenir à l’actualité récente, depuis décembre 2012, le pays ne parvient pas à mettre définitivement un terme à la tragédie du peuple entier, en dépit de quelques éclaircis apportés par le président Faustin Archange Touadéra.

L’autre récurrence de la vie politique centrafricaine est l’interventionnisme de la communauté internationale, notamment l’Organisation des Nations Unies, des puissances européennes (cas de la France) et d’autres partenaires qui ne sont jamais parvenu à stabiliser ce pays. L’entrée en scène des États de la sous-région à travers le mécanisme du COPAX et ses principaux leviers que sont : le Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique centrale (MARAC) et la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC) constitue une nouveauté.

Ce travail de recherche couvre la période de 2000 à 2013, soit treize ans de l’histoire immédiate de la Centrafrique. En 2000, le sentiment d’insécurité se fait à nouveau sentir, au point où, un coup de force militaire est tenté en mai 2001 par André Kolingba, mais le président Ange Félix Patassé sauve son régime grâce à l’intervention de la Libye de Mouammar Kadhafi et du Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba. La même année, François Bozizé est obligé de s’exiler au Tchad à la suite d’une tentative de putsch dont il était l’artisan.

L’année 2000 est aussi un tournant dans la préservation de la paix en Centrafrique. Avant cette date, l’Afrique centrale n’était pas encore dotée d’un instrument de règlement pacifique des conflits. Seules les missions de surveillance de certains accords, signés entre belligérants, jouaient ce rôle. Tel fut le cas de la Mission de surveillance des Accords de Bangui (MISAB) instituée en RCA en 1997.

L’optique change avec l’adoption du protocole d’accord du COPAX le 24 février 2000 à Malabo en Guinée Equatoriale par les Chefs d’États et de Gouvernement de la CEEAC.

L’année 2013 représente une étape décisive de la longue crise qui secoue la RCA depuis des décennies. En effet, c’est en 2013 que la coalition de soldats rebelles dirigés par Michel Djotodia, qui dénoncent le non-respect de l’accord de paix de 2007 à Syrte en Lybie par le Président Bozizé, qu’est lancé l’assaut de la capitale Bangui. C’est aussi en 2013 qu’ont lieu les assises du deuxième sommet extraordinaire des chefs d’État et de Gouvernement d’Afrique centrale tenues à Libreville du 10 au 11 janvier pour une sortie de crise. Le Président Bozizé est malheureusement chassé du pouvoir dans la même période par la rébellion dite Séléka, entrainant une fois de plus la Centrafrique dans l’instabilité.
Cette militarisation du pouvoir apparait dans les annales historiques centrafricaines dès 1965 avec le renversement de David Dacko par Jean Bedel Bokassa qui est, à son tour, renversé avec l’aide de la France en 1979 par le même Dacko. Et David Dacko est à nouveau renversé par le général André Kolingba en 1981. En 2003, après une longue période de mutineries, François Bozizé, profite de l’absence du président Ange Félix Patassé de la Centrafrique et prend le pouvoir avec l’aide de l’armée tchadienne et de la France. Il est, en retour, destitué par la Séléka en 2013 au lendemain de la deuxième guerre civile débutée en 2012.

Ces différents changements de régimes font de la RCA, l’un des pays les plus crisogènes de l’Afrique centrale. Parmis les forces de paix créées, il y a la MICOPAX. Il s’agit d’une mission de paix du COPAX dont le déploiement avait été décidé par les chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC réunis à Brazzaville les 30 et 31 octobre 2007. Elle était entrée en vigueur, le 12 juillet 2008 en remplacement de la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC).

Bien que s’inscrivant dans la continuité des missions de la FOMUC, la MICOPAX avait aussi pour mandat de consolider le climat de paix et de stabilité, d’aider au développement du processus politique et au respect des droits de l’homme en RCA.

Sur une dizaine d’années, précisément entre 2008 et 2013, l’ensemble de ces efforts a paru transparent, parce qu’il n’a été enregistré aucun résultat probant en termes de pacification totale du pays. La question posée par Madame Marie-Claude Ngningone Ateme est la suivante : pourquoi, malgré la forte implication du COPAX, la RCA n’a pu connaître la paix et la sécurité entre 2008 et 2013? Cette carence ne relèverait-elle pas d’une incomplétude intrinsèque de l’action même du COPAX ? L’autre interrogation subsidiaire porte sur le comportement du COPAX face à la résurgence des crises armées en RCA en dépit de sa forte présence. Répondre à cette question revient à se demander si c’est pour cette raison que se focalisent les critiques dont le COPAX et dans une large mesure la CEEAC font l’objet au sujet de leur incapacité réelle à assurer à la RCA, une paix et une sécurité réelle et durable.

A titre d’hypothèse de recherche, cette persistance de la crise centrafricaine, entre 2008 et 2013, serait due aux limites intrinsèques des mécanismes centro-africains de gestion des crises et le COPAX en est la parfaite illustration. Il s’agit alors d’un cas d’une forte ambition de paix sous-régionale dont les résultats sont restés mitigés. Cette incomplétude du COPAX a des causes diverses, parmi lesquelles les facteurs sous-jacents, les dynamiques crisogènes internes à la RCA qui ont joué un rôle déterminant.

L’analyse de l’incomplétude du COPAX en RCA n’a pas encore fait l’objet d’une littérature conséquente, même pas dans le cadre de l’évaluation des mécanismes de gestion des crises africaines post Guerre froide des blocs. Cependant, la Filière Histoire des Relations internationales du Parcours Histoire et Archéologie de l’Université Omar Bongo a enregistré le mémoire de master soutenu le 04 décembre 2013 sur le thème « Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Afrique Centrale de 1999 à 2013 ». Les informations sur notre thématique sont donc issues de diverses publications traitant soit de l’histoire, de la géographie, de la civilisation, soit des conflits en RCA. Cela nous a forcé à recourir à la synthèse permanente des données. Nous avons naturellement élargi la recherche documentaire aux thèmes qui sont subséquents à l’action du COPAX en RCA, notamment la conflictualité en Afrique centrale, les guerres en Centrafrique, la permanence conflictuelle dans ce pays, ses facteurs et ses conséquences, le maintien de la paix onusienne, le jeu des acteurs en période de conflit et dans les phases de construction de la paix.
Cette thèse est structurée en trois parties. La première partie porte sur L’Afrique centrale : un terreau favorisant l’instabilité endémique en République centrafricaine. Cette partie permet de comprendre l’enracinement historique des logiques de guerre civile et le jeu des acteurs, parfois transnationaux, dont l’imbrication a conduit les conflits internes à s’épandre sur les pays limitrophes donnant ce caractère conflictogène à l’Afrique centrale en général, et à la RCA, en particulier. Toute situation qui a imposé la mise en œuvre de mécanismes de paix et de sécurité sous-régionaux, le COPAX principalement.

La deuxième partie évoque le COPAX : un instrument multilatéral de sécurité collective face au cas centrafricain. Cette partie présente non seulement les origines du COPAX à travers l’élection du Dr Salim Ahmed, en juin 1989, à l’OUA. Il y porte une nouvelle politique, l’africanisation de la paix après la chute du mur de Berlin et la fin du monde bipolaire. Cette partie, nous permet de comprendre la démarche de la CEEAC visant à inclure dans son action, des questions relatives à la prévention et au maintien de la paix. C’est ainsi que le COPAX est né et sa première expérience s’est opérée en RCA, victime de récurents changements politiques anticonstitutionnels. Cette partie présente aussi le cadre juridique du COPAX ainsi que les missions qui lui sont assignées. Enfin, il a été question de voir comment les deux missions de la MICOPAX ont intervenu dans la crise centrafricaine de 2008 à 2013 et l’effort du Gabon dans le règlement de cette crise à travers ses troupes mais également au niveau de la prise de décisions. En effet, le Gabon dans le cadre de la résolution de la crise centrafricaine de 1997 à 2013 s’est positionné en leader dans la zone CEEAC par sa réactivité et son efficacité.

L’intervention gabonaise apparait, au regard des résultats, comme un cas de réussite africaine d’interventionnisme étatique pour la paix dans la sous-région.
La troisième partie de cette thèse examine l’incomplétude du COPAX en RCA. Il s’agit de regarder dans un premier temps les faiblesses institutionnelles en termes d’incapacité de la CEEAC à produire des ressources nécessaires au fonctionnement optimal du COPAX en RCA. Dans un second temps, il a été convoqué l’histoire et les incertitudes systémiques pour situer les faiblesses du COPAX. Cette partie montre combien était déterminant les précarités attachées à la nature même du COPAX qui n’est en rien un mécanisme supranational, souffre des faiblesses intrinsèques de la CEEAC, notamment son manque d’autonomie qui l’a confiné à la sous-traitance sécuritaire et si ce n’est à la systématisation d’une subsidiarité dont elle s’est montrée insuffisamment préparée. Le COPAX a subi cette dépendance et sa mission en RCA en a été fortement impactée, ce d’autant plus que les pays voisins, les puissances occidentales, y ont fait un champ de haute rivalité dans l’objectif de s’accaparer de ses immenses richesses naturelles. S’y sont ajoutées, les facteurs dirimants liés à l’environnement sociopolitique centrafricain, notamment l’enracinement historique de la violence, l’instrumentalisation des fractures sociohistoriques, et l’émergence de formes nouvelles d’insécurité.

Cette thèse doit être considérée comme une contribution à la compréhension de la géopolitique en Afrique centrale avec l’instabilité récurrente, marquée par les conflits armés qui font le malheur de cette partie de l’Afrique et qui, tirent leur origine dans la période coloniale. La paix et la sécurité de cette sous-région ont été effritées au lendemain des indépendances avec un enchainement de coups d’État qui ont fragilisé la stabilité politique. La Centrafrique est un bel exemple pour avoir la meilleure connaissance de l’histoire de cette violence politique.
Cette thèse a réussi à cerner les quatre facteurs majeurs du problème centrafricain :
Primo, un environnement interne crisogène : luttes d’influence, problèmes de frontières, rivalités avec ses voisins, « guerre » du pétrole, querelles de subsistance, mutations géopolitiques, positionnement pour des intérêts personnels des leaders politiques sous le dos de la région, de l’ethnie et du pays. Cela s’explique par le fait que de par sa position en Afrique centrale, et ses richesses naturelles, la RCA fait l’objet de convoitises par ses voisins et les grandes puissances ;
Secundo, la pauvreté chronique du pays depuis les indépendances. En effet, la RCA n’a pas un taux de croissance durable, c’est-à-dire un modèle économique qui englobe les stratégies et activités commerciales qui permettent au pays de répondre aux besoins des populations et également de protéger les ressources naturelles et humaines. Cette situation, qui touche l’ensemble des travailleurs, a eu des conséquences négatives au sein de l’armée. La conséquence prévisible est le cycle permanent de rebellions.

Tertio, l’incapacité des pays de l’Afrique centrale à mobiliser les ressources financières et militaires conséquentes pour soutenir leurs ambitions de maintenir la paix en Centrafrique. Le COPAX portait non seulement les germes de son échec, en raison de l’incapacité avérée de la CEEAC, dont l’objet initial était l’intégration économique, à se projeter dans le champ de la sécurité africaine, n’ayant mobilisé que très peu de moyens (politiques, militaires, techniques, financières…) à cet effet, mais aussi d’une Centrafrique devenue le terreau fusionnel de toutes les contradictions socio-historiques et sociopolitiques héritées du passé, pour certaines intrinsèques au pays, pour d’autres, exogènes à ce dernier. Les multiples instrumentalisations et ingérences ont transformé les missions de paix en jeu à somme nulle pour la RCA.
Enfin, la découverte du champ pétrolifère en RCA, ses immenses richesses naturelles et le jeu politique de la France, qui travaille à sauvegarder ses intérêts au cœur des alliances contre nature.

Biographie de l’auteur
Marie-Claude Ngningone Ateme est Docteur en Histoire des Relations Internationale, option : Paix et Sécurité/ Gouvernance politique et Cohésion sociale. Elle est également Conseiller des Affaires Étrangères, Responsable du Groupe d’Experts en Relations Internationales de l’Afrique Centrale (GERIAC), Publications scientifiques : un article en ligne « Conflits en Afrique centrale de l’après-guerre froide : éléments explicatifs de la causalité ». 3 publications scientifiques en cours.
Plusieurs articles de presse en ligne sur le COPAX, la CEEAC et l’Afrocentralité/Afrocentralien.
Docteur Marie-Claude Ngningone Ateme se rend disponible pour servir la Communauté.
Adresse mail : atemenamc@yahoo.fr
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