Au travers de son dernier rapport sur la croissance et l’emploi au Gabon, la Banque mondiale a dressé un tableau de l’offre de formation en République gabonaise, de son rendement et de son adéquation au marché de l’emploi local. Les constats qui en résultent sont alarmants : Taux de redoublement particulièrement élevés, inadéquation de l’offre de formation par rapport aux besoins du marché du travail et précarisation de l’enseignement.

Le taux de redoublement le plus élevé au monde

Bien souvent pour présenter la situation de l’enseignement au Gabon on se limite à afficher son taux d’alphabétisation qui se situe autour de 90%, bien au-delà de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Cependant, une analyse approfondie permet de démontrer que le tableau est moins reluisant.
En effet, la Banque mondiale s’inquiète du taux redoublement enregistré dans les établissements scolaires au Gabon. Ainsi dans l’enseignement primaire enregistre-t-on un taux de redoublement de 37%, le plus élevé au monde et deux fois supérieur à la moyenne africaine. Plus inquiétant encore, moins de 5% des élèves accédant en 1ère année d’enseignement primaire arrivent au certificat d’études sans reprendre une classe. Une donnée qui fait monter le taux de redoublement à plus de 95% sur un cycle.
Dans l’enseignement secondaire, le taux de redoublement est à peine plus réduit. 26% de taux de redoublement au 1er cycle et 23% au second cycle. Ainsi l’institution de Bretton Woods estime-t-elle qu’en moyenne, qu’il faut 17 années à un élève gabonais pour valider son BEPC alors que 12 années d’études devraient suffire à l’obtenir.

Les causes de l’échec scolaire dans le primaire et le secondaire

La Banque mondiale regroupe les causes de l’échec scolaire au Gabon en 2 groupes :
–    La faible performance d’encadrement quantitative et qualitative des élèves. La défaillance de l’encadrement quantitatif se traduit par des classes pléthoriques. En effet, le nombre moyen d’élèves par enseignant au Gabon est de 46 au primaire et 48 au secondaire, bien loin de la norme observée dans les pays à revenus intermédiaires qui limite à 21 le nombre d’apprenants par enseignant. Face à situation, il faut s’étonner de l’absence de construction des 60 lycées prévus au budget de l’Etat en 2013 mais qui n’ont jamais vu le jour.

Par ailleurs la défaillance de l’encadrement qualitatif se traduit par une forte proportion d’enseignants (63%) ne disposant pas de bagages pédagogiques suffisants (formation) et une gestion inefficace du personnel dont les conséquences sont l’absentéisme et l’abandon de poste souvent non sanctionnés. Il est utile de noter que seulement 1% des classes de 2e année de primaire dispose de l’intégralité des équipements et matériels didactiques nécessaires à l’enseignement (contre à peine 5% pour les classes de 5e année de primaire).
–    La faiblesse des allocations budgétaires. Bien qu’en 2009 le total des ressources affectées à l’éducation représentait 13.4% du budget national, cela reste en deçà de la moyenne africaine qui se situe autour de 19%. En proportion, le Gabon consacre moins de ressources à l’éducation que le Yémen, la Syrie ou le Sénégal. Par ailleurs, le détail de l’enveloppe budgétaire affectée à l’éducation fait ressortir cannibalisation des ressources par le poste relatif au paiement des salaire soit 72%, contre 16% pour les biens et services qui équipent les établissements et 12% consacrés aux aides sociales.

Inadéquation de l’offre de formation

Le rapport de la Banque mondiale pointe également l’inadéquation entre l’offre de formations supérieures et le type de postes ouverts sur le marché du travail. Une étude a ainsi fait ressortir qu’en 2011 au Gabon 41% des apprenants du supérieur étaient inscrits en Lettres et sciences humaines et 22% en Droit et Sciences économiques. Un paradoxe compte-tenu du fait que les offres d’emplois les plus abondantes sur le marché concernent des métiers techniques, scientifiques et professionnalisant.

Cette inadéquation formation – emploi pourtant bien connu et ayant fait l’objet de plusieurs séminaires, colloques et tables rondes reste aujourd’hui l’une des principales causes du chômage au Gabon.
L’exemple d’OLAM Gabon permet d’illustrer comment l’inadéquation entre l’offre de formations et les opportunités d’emplois favorise l’augmentation du chômage dans le pays. En effet, sur la période 2012 – 2016, la société OLAM Gabon a estimé à 2 000 le nombre d’emplois qualifiés (devant être occupés diplômés de l’enseignement supérieur) qu’elle a besoin de créer pour sa croissance.
Les 2 000 postes à pourvoir concentraient essentiellement les métiers de l’agro-industrie, de la maintenance industrielle et de la logistique. Cependant, constatant l’absence de main d’œuvre qualifiée nationale pour pourvoir à l’ensemble des postes, les dirigeants d’OLAM Gabon ont obtenu du gouvernement une dérogation à la règle qui limite à 10% le nombre d’expatriés salariés dans une entreprise au Gabon. Il en résulte que pour sa croissance OLAM Gabon importe de la main d’œuvre étrangère au détriment de l’emploi des nationaux pas suffisamment nombreux à être qualifié pour les postes offerts.

Mays Mouissi, Analyste économique