« Dialogue, tolérance et paix », tel a été la philosophie politique qui anima le pouvoir d’Omar Bongo Ondimba. Qu’on l’aimât ou pas, il sera difficile de ne pas reconnaître au successeur de Léon Mba son attachement au dialogue, son grand sens du pardon, démontrant l’homme tolérant qu’il fut, et sa recherche permanente de la paix, symbolisée par cette phrase  » je préfère l’injustice au désordre ».

A la lecture de la situation sociopolitique de l’heure, nul ne peut dire qu’on navigue encore sur les principes, dialogue, tolérance et paix, hérités et respectés par Omar Bongo Ondimba. Quel symbole plus fort existerait-il pour démontrer que le dialogue n’est plus qu’un vain mot lorsqu’on ne peut même plus échanger avec le premier des citoyens gabonais.
Quelle preuve supplémentaire faut-il pour faire comprendre à tous que la tolérance n’existe plus dans ce pouvoir usurpé par des collégiens sans tenue réglementaire quand on jette en prison, pour des raisons fallacieuses que le temps et l’histoire corrigeront très bientôt, une bagatelle de hauts cadres de la République?

Dans ses envolées langagières, Louis Gaston Mayila aimait rappeler que « les gens qui se parlent ne se font jamais la guerre ». Or, voici un cadre politique où le dialogue et la tolérance ont foutu le camp. Comment penser éviter la guerre, qui est tout le contraire de la paix?
On peut alors affirmer sans le moindre risque de se tromper que le pouvoir hérité d’Omar Bongo Ondimba est désormais agonisant. Aucun symbole l’incarnant n’est actif aujourd’hui. D’ailleurs les mécanismes sur lesquels il s’appuyait pour le guider et le conserver ont également été mis en veilleuse.

En effet, jadis, le pouvoir d’Omar Bongo Ondimba reposait sur cinq piliers qui l’éclairaient. Le premier pilier était incarné par (1) la présence de sa famille biologique à ses côtés dans l’exercice de ses fonctions. C’était sa base première qui lui servait de stabilisateur psychologique. Ensuite, (2) la mobilisation de son clan, les bateké. Ces derniers lui garantissaient un soutien inconditionnel et une sécurité physique et mystique indispensable. Aussi, ils abondaient dans les postes stratégiques de la haute administration, surtout les régies financières et les corps armés.
Puis venaient (3) l’union et la communion des cadres de sa province natale, toutes origines confondues. Leurs zones de prédilection furent la diplomatie, la justice et quelques espaces publics et privés, aux finances juteuses. Le quatrième (4) pilier avait deux branches: (1) le parti démocratique gabonais (PDG) pour capter la masse, donc le peuple, et (2) la franc-maçonnerie pour contrôler l’élite.
Enfin, (5) l’usage opportune et responsable de sa diplomatie nationale en se référant à ses différents amis des premières heures de son pouvoir et leurs successeurs rangés sous le vocable de roitelets. Sa diplomatie sous régionale, ses liens d’amitié, de fraternité et de parenté avec ses pairs de la sous région. Et sa diplomatie internationale, ses accords divers avec la France, les États-Unis, la Chine, les pays arabes etc…
C’est sur la base de ses différents piliers opérationnels, gérés par un personnel politique varié, reconnu et respecté qu’Omar Bongo a pu, non seulement conserver son pouvoir, assurer la transition de 2009 mais également permettre la passation de pouvoir à Ali Bongo Ondimba. Malheureusement, comme tout être vivant, un système a besoin d’être entretenu s’il veut vivre et prospérer. Or, celui hérité par Ali Bongo n’a nullement assuré un quelconque service après-vente. Rien d’étonnant, la machine s’est enrayée.

Par conséquent, affirmer que tout est foutu pour le clan Ali Bongo, à différencier du système Bongo Ondimba, n’est pas une hérésie. Si non, avec quelle famille feront ils la campagne en 2023 quand les fils Bongo Ondimba ne peuvent même plus rentrer librement au Gabon? Avec quels batéké iront ils en campagne quand la plupart broie désormais du noir. Avec quel Haut-Ogooué iront ils en campagne quand certains cadres de cette province sont exilés ou en prison?

Avec quel PDG iront-ils en campagne quand les salaires et autres avantages mirobolants sont devenus des denrées rares? Quand publiquement le directoire du parti est démystifié? Quand on menace et sanctionne des hauts cadres de cette broyeuse politique pour des votes qu’ils ne veulent pas assumer? Avec quels fraters iront-ils en campagne quand nombreux sont assis à la maison, tirent le diable par la queue et ne sont plus installés aux premières loges?
Avec quelle diplomatie iront-ils en campagne quand la logique développée par les collégiens du bord de mer est « tout pour nous, rien pour les autres »? Quand c’est encore la légion étrangère, bien qu’en miniature qui tient sans expérience les cordons de la bourse? Quand sans gêne des journaux gérés par l’infographe du palais, aux complexes multiples, insultent et caricaturent des chefs d’état voisins? Quand un Commonwealth hypothétique devient une garantie d’acquisition d’un pouvoir usurpé à Ali Bongo?

Oui, tout est vraiment foutu pour les collégiens et leur source d’inspiration malsaine. Être au pouvoir, en jouir avec arrogance et suffisance, c’est une chose. Le gérer avec intelligence et prudence, s’en est une autre. Le conserver, malgré les forces non négligeables en présence, c’est encore tout autre chose. Comment alors et avec qui espèrent-ils conserver un pouvoir où, côté opposition, des gens comme Guy Nzouba Ndama, Alexandre Barro Chambrier et Paulette Missambo rassurent plus? Où côté pouvoir, bien que les collabos soient nombreux et disqualifiés, la force de certaines institutions crédite leurs dirigeants qui restent de potentiels leaders.

A la vérité des choses, il n’y a qu’un véritable élève politique d’Omar Bongo Ondimba pour réanimer la flamme mourant sous l’éteignoir. Les semaines à venir pourraient être sport. Ainsi on verra qui a bien ingurgité les leçons du maître.

Par Télesphore Obame Ngomo