Le journaliste canadien d’origine camerounaise Jean-Marie Vianney vivant depuis trois décennies au Canada a lancé en juillet 2022 le magazine Terre d’Accueil Magazine (TAM). Ce magazine comme son nom l’indique veut contribuer à rendre visible et audible les membres des différentes diasporas, notamment africaine au Canada et ailleurs dans le monde. Voici la substance de notre entretien?

L.V.C : Bonjour Jean-Marie Vianney! Vous êtes directeur de publication du magazine Terre d’Accueil Magazine ou TAM publié au Canada. Votre premier numéro de juillet-août est sorti en 2022. Pourquoi avoir choisi le nom de Terre d’Accueil Magazine?

J.M.V : Le nom Terre d’Accueil Magazine vient du fait que nous arrivons d’autres pays du monde ayant fait le choix de vivre au Canada ou dans un autre pays de résidence ou d’adoption. Notre souhait est non seulement une meilleure intégration dans la société d’accueil mais aussi de pouvoir jouer notre modeste partition dans le progrès du pays en ayant aussi une certaine influence et existence, notamment pour les personnes appartenant à la minorité visible et audible du pays. Le contexte socioculturel du pays d’accueil étant différent de celui du pays d’origine, Terre d’Accueil Magazine s’apparente à une plate-forme de vulgarisation et de valorisation des personnes résidentes au Canada ou des Canadiens d’adoption. Terre d’Accueil Magazine a pour objectif également de mettre en lumière des parcours singuliers de certains membres de la communauté immigrante au Canada par exemple qui peuvent être des sources d’inspiration et des exemples à suivre pour leur réussite aussi bien dans la politique, l’économie, l’entreprenariat, la culture, le sport, la communication notamment médiatique, l’enseignement supérieur et la recherche, etc. Dans notre perspective journalistique ou la ligne éditoriale, Terre d’Accueil Magazine aimerait aussi avoir un regard sur la diaspora africaine ou panafricaine par exemple. Le magazine ne s’intéressera pas uniquement des Africains du Canada mais aussi d’autres pays comme les Etats-Unis, la France, la Jordanie, etc. Notre magazine veut rendre visible celles et ceux qui sont invisibles et que l’on ne s’intéresse pas assez même dans les médias du pays d’accueil.

L.V.C : Le paysage médiatique du Canada, pays où vous vivez depuis environ 30 ans, n’a pas favorisé l’éclosion de journaux de référence fondés par des Canadiens d’adoption, notamment d’origine africaine. Qu’est-ce qui a constitué un frein pour certains africains de s’investir dans la presse comme vous en ce moment par exemple?

J.M.V : Un projet comme celui du journal Terre D’Accueil Magazine est un projet viable qu’il faut encourager dans un contexte socioculturel canadien bien différent de celui des pays d’origine où la plateforme multiculturelle est en effervescence. Même si certains journaux existent qui montrent une certaine diversité dans le paysage médiatique, souvent ces journaux se focalisent sur un aspect précis ou certains sujets essentiellement comme l’immigration, le pays d’origine, etc. Dans notre ambition, la particularité avec Terre d’Accueil Magazine, c’est de faire en sorte que le magazine puisse durer longtemps avec des sujets importants. Comme son nom l’indique, Terre D’Accueil Magazine ne sera pas à bout de sujets parce que tant que nous serions sur cette terre, les gens vont continuer à voyager d’un pays vers un autre ou d’un continent vers un autre continent pour découvrir le monde, d’autres peuples et s’acclimater à leur nouvel environnement ou milieu de vie. Cela permettra au magazine de s’intéresser non seulement de ce qui se passe au Canada mais aussi dans d’autres pays du monde où sont établis des communautés étrangères, notamment la diaspora africaine. Ces diasporas manquent souvent cruellement des outils médiatiques permettant de rendre visible leur dynamisme, les actions et initiatives concrètes des uns ou des autres dans le pays résidence ou d’adoption. Il y a par exemple des membres de la diaspora africaine en Inde qui aimeraient avoir de la visibilité à travers le magazine TAM. Terre D’Accueil Magazine veut rendre hommage aux personnes qui s’illustrent dans leur pays respectif d’adoption mais sont oubliés par les médias locaux. Les médias du pays d’adoption ayant un important lectorat ne mettent pas toujours en lumière les parcours extraordinaires de ces personnes d’origine étrangère qui ont bien réussi leur intégration dans la société d’accueil. Nous allons essayer à travers le magazine TAM de mieux rendre visible et audibles celles et ceux qui sont oubliés au sein de la société où ils vivent désormais.

L.V.C : Nous savons que parmi les critères d’un bon journal, il y a le mode de parution régulier ou alors la périodicité du journal. Il faut par conséquent assurer son financement. Vous êtes à la recherche des partenaires, notamment au Moyen-Orient dans un pays comme la Jordanie où vous séjournez assez régulièrement depuis un certain temps. Est-ce que vous avez trouvez un financement du magazine ou alors vous avez de bonnes perspectives pour l’avenir?

J.M.V : L’argent est le nerf de la guerre dans la réussite de chaque projet entrepreneuriale, notamment dans le domaine médiatique. Nous aimerons que ce magazine ne soit pas seulement en version papier comme c’est le cas mais aussi dans un support numérique. L’objectif de favoriser avec le temps l’autonomisation financière du magazine en s’inspirant de ce qui se passe par exemple avec Mediapart ou The Guardian. Nous invitons celles et ceux qui s’intéressent à ce projet à participer à son financement. C’est pourquoi nous avons en Éthiopie par exemple des personnes qui ont des contacts en Inde de pouvoir interpeller également de ce côté de l’Asie des personnes qui sont intéressés à ce magazine. Nous essayons de voir aussi auprès de l’Union africaine pour soutenir la pérennité de ce magazine qui va beaucoup s’intéresser à la diaspora africaine du monde par exemple.

L.V.C : Pendant de nombreuses années, vous avez été producteur et présentateur d’une émission sur la radio de l’université d’Ottawa mais aussi sur une chaîne de télévision communautaire dans la province de l’Ontario depuis la capitale canadienne Ottawa. Pourquoi tant d’intérêt pour la communauté noire et qu’est-ce qui vous fait tant courir pour mettre en valeur cette communauté?

J.M.V : Je vis au Canada depuis trois décennies où mes enfants sont nés. Je fais tout simplement ce que certaines personnes ont pu faire avant moi pour apporter leur partition au progrès du pays d’adoption et à la meilleure intégration des membres des différentes communautés vivant au Canada, notamment dans les provinces comme Québec, l’Ontario, etc. Ma petite vie est singulière et n’a rien de particulièrement spéciale. Je ressens un profond devoir de contribuer à ma manière pour donner de la voix et la visibilité aux autres qui méritent d’avoir une reconnaissance ou des encouragements. Quand j’étais petit, je me souviens que je voyais des gens avec un transistor aux oreilles et je me suis intéressé assez jeune à l’univers médiatique et ce n’est donc pas par hasard que je me suis retrouvé dans cette profession. J’ai beaucoup d’adrénaline chaque fois que je suis derrière un micro. J’aime donner la voix aux sans voix mais aussi à celles et ceux qui méritent de s’exprimer sur un sujet parce qu’ils possèdent l’expertise.

Notre correspondant, Ferdinand MAYEGA à Montréal