Habemus prorsus aliter Gabon

Nous avons un autre Gabon. La fumée en vert jaune bleu sortie du conclave du stade de l’amitié sino-gabonaise d’Angondjè nous l’a annoncé. N’en déplaise à ceux qui ne voient que le verre à moitié vide.

Les grandes lignes de cet autre Gabon, dont tous rêvent nouveau, se trouvent, selon Brice Clotaire Oligui Nguéma, consignées dans le rapport final des travaux du Dialogue National Inclusif. De la première lecture dudit rapport, faite en direct, on a retenu que les mesures sanctionnant la classe politique, dans son ensemble, ont fait exploser l’applaudimètre. Et si nombreux sont les Gabonais qui ont acclamé la lourde enclume posée sur l’emblème du Parti Démocratique Gabonais, ils sont tout aussi nombreux à savourer les coups de marteau assenés sur les logos des autres partis politiques invités à mettre également fin à leurs activités. En attendant que soient mises en place les nouvelles règles qui redessineront le paysage politique.

Dans cette affaire, on ne peut que s’étonner des cris d’orfraie qu’on entend, ici ou là, face à une vérité quasi biblique admise par tout le monde : le Gabon, petit par les kilomètres carrés et par la population, ne peut pas continuer à voir se créer, chaque jour qui passe, de nouveaux partis politiques qui se surajouteraient aux 104, jugés déjà pléthoriques, officiellement présents au Dialogue d’Angondjè.

Au lendemain du 30 août 2023, le président de la transition n’avait eu de cesse de marteler qu’il fallait arrêter de créer des partis politiques. Non seulement on ne l’a pas écouté, on l’a même accusé de vouloir enterrer, par ses déclarations, les patriotes ayant donné leur vie pour l’avènement de la démocratie multipartite dans notre pays. Le sentiment qui se dégage aujourd’hui est que les Gabonais manifestent un certain ras-le-bol vis-à-vis de la classe politique. Et les acteurs politiques que l’on entend crier au loup n’ont malheureusement pas toujours contribué, par leurs comportements, à donner de la classe politique la meilleure des images, loin s’en faut. Il faudra bien qu’à un moment donné, on fasse le bilan de l’apport des partis politiques, toutes tendances confondues, dans l’état du pays dont a hérité Oligui Nguéma et ses compagnons d’armes. On s’apercevrait très vite que, depuis 1990, entre les élections présidentielles, les législatives et les locales, les Gabonais ont passé plus de temps à s’occuper de politique qu’à développer leur pays. Et si l’on traduisait en écoles, dispensaires, hôpitaux, logements sociaux, etc. les fabuleuses sommes d’argent englouties, dans le même laps de temps, dans les campagnes électorales et à financer des partis « gazelles », familiaux, même sans élus, notre système éducatif ne serait pas dans son état actuel de déliquescence avancée et il n’y aurait certainement pas de femmes qui accouchent à même le sol, ni autant de jeunes au chômage. Et, quelles que soient les sinuosités sémantiques qu’on nous sert à coups de graphiques en couleur, nous devons admettre que le Gabon reste un pays sous développé. Il est donc temps de mettre un terme à la politique des 3M (Mensonges, Maquettes, Mantras ) qu’on nous a servie ces quatorze dernières années où on a donné à manger et à boire aux Gabonais des slogans (l’avenir en confiance ; laissez-nous avancer…) et des abréviations (PSGE, PAT…).

Quelles que soient les intentions prêtées à Brice Clotaire Oligui Nguéma et au CTRI, on devrait leur reconnaître, pour l’heure, au moins deux choses : le respect de l’agenda annoncé et le pragmatisme dans la quête de solutions immédiates aux problèmes économiques et sociaux des Gabonais. Habitués à être roulés dans la farine par les gouvernements successifs, beaucoup de Gabonais ont du mal à croire qu’en quelques mois, le gouvernement de la transition ait pu impacter positivement autant de vies là où pendant des décennies et avec plus de moyens, d’autres ont échoué. D’où le scepticisme ambiant et les interrogations, somme toute compréhensibles, que l’on observe ici ou là et qui sous-entendent que le président du CTRI aurait un agenda caché. Parce qu’ils sont pressés de revenir aux affaires pour les résultats que nous connaissons, les hommes et les femmes politiques qui s’arc-boutent sur les formations politiques appelées à disparaître trouveraient-ils à redire si sur l’agenda caché de l’actuel locataire du palais du bord de mer il est écrit : « rendre le plus grand nombre de Gabonais heureux » ?

Fidèle AFANOU ÉDÉMBÉ
Chroniqueur libre
Lundi 06 mai 2024