266 milliards de FCFA de virements illicites, soupçons de corruption pétrolière et d’achats d’armes, ventes illégales par voie maritime : la justice rattrape les héritiers du régime Bongo
Libreville – Juillet 2025-Convergence Afrique.
C’est une lame de fond judiciaire qui s’abat sur les anciens maîtres du Gabon. Huit mois après le renversement du régime d’Ali Bongo Ondimba, la justice gabonaise révèle, pièce à l’appui, l’ampleur des dérives financières du clan présidentiel. D’après des sources proches du Parquet général de Libreville, plus de 266 milliards de FCFA auraient été virés, sans justification légale, sur des comptes bancaires appartenant à l’ex-président ou à ses proches. Les montants proviendraient, en grande partie, de sociétés pétrolières et de groupes liés au commerce d’armement.
Une enquête tentaculaire, désormais publique, qui met en lumière un réseau d’enrichissement illicite bâti sur des rétrocommissions, des achats de biens immobiliers de luxe en Afrique comme en Europe, et surtout une gestion opaque de la rente pétrolière nationale.
Des transferts douteux et des comptes bien garnis
Selon les éléments consultés par La Lettre du Continent, les virements litigieux auraient transité via des circuits bancaires complexes, souvent hébergés dans des juridictions peu regardantes sur l’origine des fonds. À la tête de ce système : Ali Bongo, ses enfants Nourredin et Jalil, mais aussi des fidèles du régime déchu, dont plusieurs anciens ministres et responsables de sociétés d’État. Parmi les révélations marquantes : l’achat de deux appartements à Dubaï au nom de Nourredin Bongo Valentin, acquis grâce à des commissions occultes liées à des contrats d’équipements militaires passés avec des firmes étrangères.
Plus accablant encore : des navires battant pavillon gabonais sont soupçonnés d’avoir servi à la vente illégale de pétrole brut et de produits raffinés. Ces navires auraient bénéficié de laissez-passer accordés par décret présidentiel, sans passage en Conseil des ministres ni validation du Trésor public.
Le clan Bongo crie à la manipulation
Face à ces accusations, les membres de la famille Bongo-Valentin montent au créneau. Depuis sa résidence surveillée, Ali Bongo dénonce, par voie d’avocats et de communiqués, ce qu’il qualifie de «procès politique » et accuse les autorités de transition d’avoir orchestré des « enlèvements, tortures psychologiques, et confiscations arbitraires de biens ».
Une ligne de défense qui trouve peu d’écho, tant l’héritage du système Bongo pèse lourd dans les mémoires. Le contraste est saisissant entre les déclarations larmoyantes du clan Bongo et les décennies de règne sans partage, marquées par la répression des opposants, la criminalisation des syndicats, et la mise sous coupe réglée des ressources nationales.
La fin de l’impunité ?
Pour la première fois depuis l’indépendance, la justice gabonaise semble déterminée à faire tomber les totems. Plusieurs anciens dignitaires du PDG (Parti Démocratique Gabonais) ont été inculpés. Des enquêtes patrimoniales sont en cours en France, à Monaco, aux Émirats arabes unis, et même au Maroc. L’étau se resserre.
Une saison des comptes qui fait trembler d’autres régimes en Afrique centrale, où les transitions militaires ont parfois révélé les mêmes schémas : détournement des fonds publics, enrichissement familial, corruption dans la filière pétrolière.
Le signal est clair : la longévité au pouvoir ne garantit plus l’impunité.
Une dynastie en déclin
Le clan Bongo, habitué à manœuvrer dans l’ombre de l’État gabonais depuis les années 1960, tente aujourd’hui de se refaire une image de victime. L’opération communication s’appuie sur la dénonciation de supposées exactions commises par la garde présidentielle d’Oligui Nguema. Mais le récit peine à convaincre, au regard du passif du régime, notamment les pratiques d’arrestations arbitraires, de pressions sur la justice, et de disparitions non élucidées.
La dynastie Bongo, autrefois tout-puissante, vacille. Le système qu’elle a mis en place mélange de clientélisme, de contrôle des médias, et de gestion patrimoniale de l’État semble à bout de souffle. Le processus judiciaire pourrait en acter la fin définitive.
Notre analyse
L’ouverture d’un procès, si elle se confirme dans les prochains mois, marquera un tournant historique pour le Gabon. Ce sera la première fois que la famille Bongo devra répondre devant une juridiction nationale de sa gestion du pays. Une séquence politique à haute intensité, à suivre de très près.
Dossier à suivre dans les prochaines éditions du journal Tempête d’Afrique magazine disponible en kiosque.