Vente du siège de Libreville, cession de parts dans des blocs pétroliers, liquidation du parc immobilier… Au Gabon, les employés de TotalEnergies EP tirent la sonnette d’alarme. Face à ce qu’ils perçoivent comme les signes d’un désengagement progressif, les syndicats haussent le ton et demandent des garanties.

L’ambiance est morose au siège de TotalEnergies EP Gabon à Libreville. Si les murs restent encore debout, l’avenir professionnel de nombreux salariés semble vaciller. En toile de fond, une série de cessions d’actifs entamée ces derniers mois par la direction, qui nourrit les soupçons d’un désengagement lent mais certain de la major pétrolière française au Gabon.

Parmi les actifs concernés : le siège emblématique de Libreville, 15 % de participation dans le champ de Boudroie, la clinique d’entreprise, et plusieurs villas de la concession. Si la direction parle d’une simple « optimisation du parc immobilier », les syndicats y voient un autre visage : celui d’un retrait stratégique voilé, sous couvert de rationalisation.

Une stratégie floue, des salariés en alerte
Réunis en assemblée générale le 24 septembre, les salariés ont fait part de leur « incompréhension face au manque de clarté de la direction ». La transparence, pourtant martelée comme un principe fondamental par le groupe, semble aujourd’hui faire défaut selon plusieurs représentants syndicaux. Dans un climat empreint de tension, les employés réclament le respect des accords collectifs et demandent un « supplément d’intéressement » tiré des plus-values générées par les ventes, conformément à l’article 7 du protocole d’intéressement signé avec la direction.

Des licenciements controversés
L’affaire aurait pu en rester là. Mais deux licenciements récents ont mis le feu aux poudres. Officiellement motivés par un « échec à une formation certifiante », ces départs ont été jugés « non conformes » par les syndicats. Pour ces derniers, il s’agit ni plus ni moins d’une violation du Code du travail et des accords internes, illustrant une stratégie de compression salariale décidée depuis le siège parisien. Déplore un délégué syndicl. Les craintes des employés sont d’autant plus vives que les signaux envoyés par la direction semblent s’aligner sur une logique purement financière, au détriment de la stabilité sociale.

Le spectre d’un départ
Officiellement, TotalEnergies reste au Gabon. Mais la réduction continue des actifs, combinée à une production locale en déclin, alimente les spéculations. Le groupe, présent dans le pays depuis plus de 90 ans, donne-t-il les premiers coups de pioche d’un départ planifié ?

Pour beaucoup de salariés, la réponse ne fait plus guère de doute. Et face à ce qu’ils perçoivent comme une érosion progressive de l’engagement du groupe, ils demandent un plan de départ négocié, une révision des accords collectifs, et même la mise en place d’un accompagnement psychologique. Autant de mesures destinées à encadrer les bouleversements en cours et à préserver une santé mentale fragilisée par l’incertitude.

Un enjeu national
Au-delà de la situation interne à TotalEnergies, l’enjeu est national. Le secteur pétrolier reste l’un des piliers de l’économie gabonaise. Un retrait – même partiel – d’un acteur de cette envergure aurait des conséquences lourdes sur l’emploi, les recettes de l’État et l’attractivité du pays.

Alors que le gouvernement gabonais multiplie les efforts pour sécuriser ses revenus pétroliers et stabiliser l’environnement des affaires, les salariés de Total observent désormais chaque décision avec une attention redoublée. La balle est dans le camp de la direction, sommé de rassurer, clarifier et s’engager durablement, sous peine de voir le climat social se détériorer davantage.