Le Délégué Général Louis Patrick MOMBO
Selon la conclusion rendue publique par le biais de la décision n°000004/MESRTTENFC portant sanctions des établissements privés ayant produit de faux bulletins ou ayant des élèves inscrits sur cette même base et des chefs d’établissements, enseignants, personnels administratifs et élèves de classe de terminale ayant procédé à des inscriptions non conformes à la réglementation en vigueur, plusieurs établissements privés sont sanctionnés de fermeture définitive. Suiste à celle-c, Dans une déclaration, la CONASYSED s’insurge contre les procédures relatives aux dites sanctions et interpelle la tutelle au respect de l’article 130 de la loi n°8/91 du 26 septembre 1991portant statut général des fonctionnaires.
Voici lessentielle de la Déclaration de la CONASYSED  DU 12 Août 2020
Mesdames et Messieurs, chers collègues, chers Enseignants !
Le 04 Mars 2020, le Ministre de l’Education Nationale invitait les partenaires sociaux à une rencontre dont l’ordre du jour portait sur :
-Les problèmes des bulletins des notes falsifiés ;
-Les commerces dans les établissements ;
-La construction des établissements scolaires etc.
S’agissant des bulletins des notes falsifiés, le Ministre a clairement signifié aux partenaires sociaux que plusieurs dossiers des candidats avaient été rejetés par la Direction Générale des Examens et Concours.
A cet effet, une commission rogatoire avait été mise en place pour statuer sur les cas de fraude.
Le 07 Août 2020, par décision n°00004/MESRTTENFC portant sanctions des établissements privés ayant produit de faux bulletins ou ayant des élèves inscrits sur cette même base et des chefs d’établissement, Enseignants, personnels administratifs et élèves de classe de terminale ayant procédé à des inscriptions non-conformes à la réglementation en vigueur, le Ministre a décidé des mesures suivantes :
-Suspension de fonction pour une durée de cinq (5) ans et remis à la disposition du Secrétariat Général, pour les Chefs d’établissement dont les noms font l’objet de la liste portée en annexe ;
-Interdiction de toute participation à l’organisation et au déroulement de tous examens et remis à la disposition des DAP, les Enseignants dont les noms font l’objet de la liste portée en annexe ;
-Fermeture définitive avec interdiction d’exercer dans le domaine de l’enseignement des établissements privés producteurs de faux bulletins ;
-Sanctions des élèves incriminés selon les cas.
Si la lutte contre la fraude en vue de moraliser notre pays en général et notre système éducatif en particulier est salvatrice, nous déplorons tout de même le non respect par le Ministre de l’Education Nationale des procédures et des textes dans la prise des sanctions.
D’abord, la commission rogatoire qui a statué sur les cas de fraude ayant été mise en place au cours d’une réunion avec les partenaires sociaux, le Ministre aurait dû convoquer une nouvelle réunion pour présenter les conclusions des travaux aux partenaires sociaux avant de les rendre publiques, parallélisme de forme oblige.
S’agissant des sanctions prises à l’encontre des chefs d’établissement et des Enseignants qui n’ont pas été préalablement auditionnés par la commission rogatoire, elles sont irrégulières.
Ces sanctions sont en violation de l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui dispose d’une part : « Toute personne a droit en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » et d’autre part de l’article 11 de la même déclaration qui dispose : « 1- Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public ou toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
2- Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment ou l’acte délictueux a été commis ».
Les chefs d’établissement et les Enseignants n’ayant pas été auditionnés par la commission rogatoire n’ont pu donc se défendre.
Dans le cadre des sanctions administratives, nous notons également la violation de l’article 130 de la loi n°8/91 du 26 septembre 1991 portant statut général des fonctionnaires qui dispose : « L’exclusion temporaire de fonction est privative de toute la rémunération.
Toutefois durant cette période, le fonctionnaire continue à bénéficier des prestations familiales.
Dans le cas des sanctions mineures, l’exclusion temporaire de fonctions ne peut être prononcée que pour une durée de un à deux mois.
Dans le cas des sanctions majeures, elle ne peut être prononcée que pour une durée de trois à six mois.
La période de l’exclusion temporaire de fonction n’est pas prise en compte pour l’avancement ».
La suspension de fonction pour une durée de cinq (5) ans fait-elle partie des sanctions mineures ou majeures ? Est-elle conforme à l’article 130 de la loi 8/91 ? Pourquoi n’avoir pas traduit ces agents publics en conseil de discipline avant de décider d’une quelconque sanction ?
Les sanctions seront-elles étendues aux auteurs des listes d’inscription sans dossiers en provenance des différentes administrations notamment la Présidence de la République, la Primature, le Ministère de l’Education Nationale, les hautes personnalités politiques etc. ?
Nous notons également la violation de l’article 89 de la loi n°001/2005 du 04 Février 2005, portant statut général de la Fonction Publique qui dispose : « Lorsque le dossier est transmis au conseil de discipline qui désigne en son sein un rapporteur chargé de l’instruction.
Dans ce cas, l’agent bénéficie des garanties des droits de la défense, notamment :
-Une procédure contradictoire ;
-La communication de son dossier dans les délais requis ;
-L’assistance d’un conseil de son choix».
La mise en place d’une commission rogatoire nécessitait des enquêtes, alors le Ministre devait traduire ces agents publics devant un conseil de discipline ce qui n’a pas été le cas.
En outre, nous notons la violation de la Recommandation O.I.T/UNESCO de 1966 concernant la condition du personnel Enseignant en matière de procédures disciplinaires applicables en cas de faute professionnelle :
-Article 47 : « Les mesures disciplinaires applicables aux Enseignants pour fautes professionnelle devraient être clairement définies. Les poursuites et les sanctions éventuelles ne devraient être rendues publiques qu’à la demande de l’Enseignant intéressé, sauf si elles entraînent l’interdiction d’enseigner ou si la protection ou le bien-être des élèves l’exige » ;
-Article 48 : « Les autorités ou les organes ayant qualité pour proposer ou appliquer les sanctions devraient être clairement désignés » ;
-Article 49 : Les organisations d’Enseignants devraient être consultées lors de l’institution de procédures disciplinaires » ;
-Article 50 : « Tout Enseignant devrait jouir, à chaque étape de la procédure disciplinaire, de garanties équitables comprenant en particulier :
a)Le droit d’être informé par écrit des reproches formulés à son endroit et des faits qui les motivent ;
b)Le droit d’avoir pleinement accès au dossier ;
c)Le droit de se défendre et d’être défendu par un représentant de son choix, ainsi que celui de disposer des délais suffisants pour préparer sa défense ;
d)Le droit d’être informé par écrit des décisions prises à son égard, ainsi que des motifs ;
e)Le droit d’interjeter appel devant des autorités ou des organes compétents clairement désignés ».
Au regard de tout ce qui précède, nous notons que les sanctions prononcées contre les chefs d’établissement et d’autres enseignants sont irrégulières car elles sont en violation des procédures et des dispositions légales prévues à cet effet.
C’est pourquoi, sans nier le combat noble que nous devons mener contre les fléaux que constituent la fraude et la corruption, nous demandons au Ministre de l’Education Nationale de respecter les procédures légales et les textes en la matière avant de sanctionner les présumés coupables.
Egalement, nous demandons à tous les Enseignants qui se sentent injustement sanctionnés de se pourvoir devant le conseil d’Etat.
Afin d’éviter à l’avenir des inscriptions frauduleuses, il convient de réactiver les commissions de transfert conformément à l’arrêté n°44/MENCF portant modification de la procédure de traitement des transferts d’élèves des établissements scolaires du 2ème degré publics et privés reconnu d’utilité publique ou autorisé du 25 juin 1998. Et pour mieux lutter contre la corruption, il convient de mettre en œuvre la convention des Nations Unies contre la corruption en son article 7 concernant le secteur public dans le cadre des mesures préventives et qui dispose : « 1- Chaque Etat partie s’efforce, s’il y a lieu et conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, d’adopter, de maintenir et de renforcer des systèmes de recrutement, d’embauchage, de fidélisation, de promotion et de retraite des fonctionnaires et, s’il y a lieu, des autres agents publics non élus qui :
a)Reposent sur les principes d’efficacité et de transparence et sur des critères objectifs tels que le mérite, l’équité et l’aptitude ;
b)Comportent des procédures appropriées pour sélectionner et former les personnes appelées à occuper des postes publics considérés comme particulièrement exposés à la corruption et, s’il y a lieu, pour assurer une rotation sur ces postes ;
c)Favorisent une rémunération adéquate  et des barèmes de traitement équitables, compte tenu du niveau de développement économique de l’Etat partie ;
d)Favorisent l’offre de programmes d’éducation et de formation qui leur permettent de s’acquitter de leurs fonctions de manière correcte, honorable et adéquate et les fassent bénéficier d’une formation spécialisé appropriée qui les sensibilise davantage aux risques de corruption inhérents à l’exercice de leurs fonctions. Ces programmes peuvent faire référence aux codes ou  normes de conduite applicables.
2- Chaque Etat partie envisage aussi d’adopter des mesures législatives et administratives appropriées, compatibles avec les objectifs de la présente convention et conformes aux principes fondamentaux de son droit interne, afin d’arrêter des critères pour la candidature et l’élection à un mandat public… ».
Par ailleurs, les sanctions contre les Enseignants et les chefs d’établissement, ne constituent-elles pas une fuite en avant pour ne pas payer les vacations du CEP et du BEPC longtemps attendues par les Enseignants ?
Pour ce qui est des sanctions contre les établissements privés, pourquoi ceux du public qui ont reçu les élèves avec les faux bulletins n’ont-ils pas écopés des sanctions similaires ? En effet, le voleur et le receleur sont punissables au même titre.
Quant aux sanctions contre les élèves, nous espérons également qu’elles tiennent compte de la convention relative aux droits de l’Enfant qui dispose en son article 3 alinéa 1 : « 1- Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elle soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale…».
En définitive, tout en prônant pour la lutte contre la fraude, la corruption, lutte que nous espérons qu’elle s’étendra dans tout le pays, nous demandons aux autorités de tutelle de respecter les procédures légales et les textes.
Je vous remercie.
Pour la CONASYSED,Le Délégué Général
Louis Patrick MOMBO