Créateur des «Notes d’histoire du Gabon» sur Facebook et du blog «Mémoire Sauve Gabon», pour des chroniques historiques du Gabon, diplômé et passionné d’histoire, Samperode MBA ALLOGO, revient sur l’histoire tumultueuse qui a conduit à ce 17 août 1960, indépendance du Gabon.
Le 17 août 1960, à minuit, sur Radio-Gabon résonnent les mots les plus attendus par un peuple soumis à la colonisation depuis plus d’un siècle.
Léon Gabriel MBA MINKO lance d’une voix grave sur un rythme lent cette phrase devenu célèbre : « En invoquant Dieu et à la face des hommes, par la délégation des pouvoirs que je tiens du peuple gabonais et en vertu du droit de ce peuple à disposer de lui-même, je proclame solennellement l’indépendance de la République Gabonaise ».
Cette fois le Gabon est indépendant.
Pourtant l’histoire de ce 17 août commence au lendemain même de la signature du traité entre le dénommé « Roi Denis », chef de terre du clan ASSIGA dont le nom véritable est ANTCHUWE KOWE RAPONTCHOMBO, et le commandant de vaisseau français BOUËT-Willaumez le 9 février 1839.
Le « Roi » cède alors à la France des terres pour que celle-ci, via le ministère de la Marine, installe un comptoir. Mais très rapidement, des voix s’élèvent pour dénoncer l’accord signé. C’est dans cette dénonciation et le mécontentement qui s’en suit qu’il nous faut trouver les premiers bégaiements de la longue résistance du peuple Gabonais face à l’occupation étrangère.
Il faut attendre longtemps pour voir émerger un véritable mouvement étendu, non pas aux seuls villages des chefs résistants, mais à l’ensemble des clans et des régions.
A partir de 1886, « ASSANG MEFA » de son vrai nom Emane TOLE, né vers 1846 à Nséghé, près de Ndjolé décide de s’opposer au diktat français. Il finit par se faire prendre et envoyer en 1902 au bagne de Grand-Bassam où il va mourir en 1912.
Au lendemain de sa reddition, une autre révolte fait son apparition en 1903. C’est en pays Tsogho chez le chef de terre MBOMBE à Nyanguè qui, cinq ans durant, tient face à l’armada française. Il est ensuite arrêté le 30 juin 1908 avant de mourir à la prison de Mouila le 27 août de la même année.
Dans le sud toujours, plutôt du côté de Moabi, NYONDA MAKITA a pris la mesure de l’oppression française. Pendant que MBOMBE met en déroute les milices françaises en Pays Tsogho, le pays Punu décide, dès 1906 de se rebeller. En août 1909, MAVURULU se rend. Comme avant lui Emane TOLE.
Les Français ont une tactique imparable : ils font arrêter les proches des leaders pour que ceux-ci se rendent au risque de les voir être exécutés :
WONGO est victime de la même stratégie en 1929 lorsque son neveu LESSIBI est arrêté par les miliciens français.
Alors que WONGO est introuvable et continue de massacrer dans les rangs français, LESSIBI est pris. Il lance alors : « Ah Tonton, c’est toi qui as commencé la guerre et c’est moi qu’on va tuer maintenant ». Ayant entendu cette lamentation, WONGO apparaît soudain et se rend. Il est conduit en Oubangui-Chari mais la version officielle dit qu’il meurt sur le chemin.
Comme le mouvement de WONGO, le mouvement de BINZIMA qui est sans doute le mieux organisé de tous, comptant jusqu’à 10 mille hommes entre Oyem et Ebel-Abanga, a réussi l’exploit d’associer les chefs de plusieurs clans au-delà de la seule région d’Oyem.
Mené par les chefs de terre OVONE MINTSA du clan Nkodjeign et EKOME ADZA du clan Odzip, le mouvement est apparu vers 1907 pour s’éteindre progressivement à partir de 1909.
C’est en 1916 que la lutte non-armée prend forme avec la naissance de la section gabonaise de la Ligue Internationale des Droits de l’Homme dirigée par un certain Jean-Baptiste NDENDE et en 1919 l’Association de la Jeunesse Gabonaise (AJG) de Laurent-Cyr ANTCHOUWE, Louis BIGMANN, NTUTUME OSSAME et autres Ignace BEKALE voit le jour.
Cette AJG est d’autant plus écoutée qu’elle possède à partir de 1922 un journal anticolonial dénommé « Echo Gabonais » et qui va attirer les futurs leaders comme Michel FANGUINOVENY, Joseph REDING, Samuel AKIREMY et Léon MBA.
En 1945, l’avènement de la IVe République consacre la création de l’Union Française qui donne le droit aux colonisés de créer des associations, de s’exprimer et de voter leurs propres représentants.
C’est ainsi qu’en 1945 naît le premier Parti politique gabonais dénommé PARTI DEMOCRATE AFRICAIN (PDA) qui est l’œuvre d’Emile ISSEMBE qui copte Paul GONDJOUT à Port-Gentil où ce dernier est surnommé « la main noire » pour ses actions commanditées contre les intérêts français.
Les gabonais vont alors aux urnes pour élire AUBAME à l’Assemblée Nationale en 1946 puis portent, par suffrage indirect, Mathurin ANGHILEY au Sénat en 1947 tandis que Paul René SOUSATTE est envoyé à l’Assemblée de l’Union française.
Les Gabonais s’accommodent aux joutes électorales.
L’UDSG (Union Démocratique et Sociale Gabonaise) de Jean-Hilaire AUBAME prend une grande ascension. Léon MBA y milite un temps avant de créer son CMG (Comité Mixte Gabonais) et de s’unir ensuite à Paul GONDJOUT pour faire naître le BDG (Bloc Démocratique Gabonais) qui, au fil des ans, va devenir le PREMIER PARTI DU PAYS par le fait de pratiques pas très démocratiques mais assumées par GONDJOUT.
En 1957, le Gabon se dote sa première représentation nationale. C’est l’Assemblée Territoriale qui est majoritairement BDG et qui va voter le premier gouvernement.
En 1958, un référendum est organisé.
Le PUNGA récemment créé par SOUSATTE et BOUCAVEL, deux anciens lieutenants d’AUBAME, dit non à la Communauté française qui met entre parenthèses l’idée de l’indépendance immédiate.
Comme le PUNGA (Parti de l’Unité Nationale Gabonaise), le MGAP (Mouvement Gabonais d’Action Populaire), créé par des étudiants anticolonialiste et basé en Europe dit « NON ». Pour l’histoire, ce « NON » largement voté dans la Nyanga et l’Ogooué Ivindo va être considéré comme un véritable affront de SOUSATTE et BOUCAVEL et des jeunes étudiants qui vont se voir être introduits dans la fameuse liste des « antifrançais ».
Les deux premiers seront matraqués ouvertement (SOUSATTE est privé de ses droits civiques et mourra dans l’anonymat en 1969, et BOUCAVEL doit fuir le Gabon avant de revenir sous la médiation d’Houphouet Boigny) alors que plusieurs étudiants vont se voir couper la bourse. Eloi CHAMBRIER, Emile KASSA et Paul MALEKOU, plus tard en feront les fais.
Malgré le « NON » de quelques 15.000 Gabonais, le « OUI » prôné par le couple UDSG-BDG l’emporte par 92,6%.
Le Gabon n’a pas l’indépendance dans l’immédiat comme cela est arrivé en Guinée.
Le 28 novembre 1958, le Gabon est une République.
L’Assemblée Territoriale se mue en Assemblée Législative et légifère dès lors dans tous les domaines situés hors des compétences de la Communauté.
L’année 1960 marque le tournant.
La France « octroie » l’indépendance à ses colonies. D’abord du côté de l’AOF. Puis du côté de l’AEF. Même si les soupçons d’une main mise française sur les dirigeants, l’armée et les richesses du pays sont perceptibles, tout le monde se réjouit du pas que va franchir ce pays qui s’est constitué au fil des décennies depuis 1839.
Le 20 mai 1960, l’Assemblée législative donne mandat au gouvernement dirigé par Léon MBA de négocier l’indépendance.
Début juillet, les délégués choisis pour participer aux négociations se rendent peu à peu à Paris. Les discussions entamées s’affinent à partir du 14 juillet.
Le 15 juillet, tout est prêt. Il faut signer. Ce que chaque partie fait sans se faire prier. Michel DEBRE pour la France et Léon MBA pour le Gabon. Il ne reste que le cérémonial.
Le 22 juillet, la délégation est de retour au pays.
Le 16 août 1960, André Malraux, Ministre d’Etat français, arrive à Libreville. Rapidement les événements s’enchaînent. A l’ancien Palais du gouverneur, André MALRAUX et Léon MBA signent les procès-verbaux fixant les termes de transfert de compétences.
MALRAUX déclare : « Que le Gabon le sache bien ! La France demeure à ses côtés. Elle le sait d’ailleurs qu’elle peut compter sur lui comme elle y comptait hier ».
A 23 h, les acteurs se retrouvent au siège de l’Assemblée. Là c’est Paul GONDJOUT qui ouvre le bal des discours : « En décidant de mettre un terme à la colonisation, (…) la France a une fois de plus prouvé à la face du monde qu’elle demeurait fidèle à sa devise ».
A Minuit, la concorde résonne et le drapeau gabonais monte.
Léon MBA prend enfin la parole et déclare « solennellement l’Indépendance de la République Gabonaise ». Il est à peu près 00h15.
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