Alassane Ouattara pour un troisième mandat? L’annonce, jusqu’ici ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique, notamment celle de l’opposition et de la société civile, jugeant sa candidature illégale et dangereuse pour la paix.
« Alassane Ouattara ne peut en aucun cas se présenter. Ses propres experts l’ont dit », a déclaré à l’AFP Assoa Adou, secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), l’un des deux plus importants partis d’opposition, évoquant la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.
Le chef de l’Etat, 78 ans, a fait l’annonce dans une allocution télévisée qu’il se représentait, jugeant que la Constitution l’y autorisait. Il invoque un « cas de force majeure », après le brusque décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Ce dernier avait été désigné candidat par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Pour N’Goran Djédri, membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, principale formation d’opposition), « M. Ouattara n’est pas au-dessus des lois. » Pour sa part, Moussa Touré, directeur de la communication de Guillaume Soro, l’ex-chef de la rébellion ivoirienne et ancien allié d’Alassane Ouattara, et passé à l’oppossition, il ne mâche pas ses mots : « Nous sommes en face d’un projet de coup d’Etat civil, une violation grave de la Loi fondamentale. Sa décision de briguer un troisième mandat nous ramène dix ans en arrière et risque de replonger la Côte d’Ivoire dans une période d’effroi, de division et de chaos.» Moussa Touré fait allusion à la crise postélectorale de 2010-2011 dont le bilan se chiffre à 3.000 morts.
L’opposition et le pouvoir sont en désaccord sur l’interprétation de la nouvelle Constitution adoptée en 2016. Le camp d’Alassane Ouattara affirme que le compteur des mandats a été remis à zéro. L’opposition ne partage pas cette analyse. A son entendement, la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable.
Plus virulente, la société civile n’en démord pas. Meyway, star de la musique ivoirienne, réagit sur les réseaux sociaux. « En succombant à la tentation de l’éternité politique, vous risquez de faire sombrer la Côte d’Ivoire dans un chaos. Allez vous sacrifier tout ce que vous avez bâti pour vous classer du mauvais coté de l’histoire ? » La question s’adresse directement au président sortant.
Rappelons que Alassane Ouattara avait annoncé solennellement qu’il voulait «laisser la place aux jeunes générations.» Pourquoi ce retournement de veste ? Le président explique que cette décision, il l’a prise après la mort de Gon Coulibaly qui « laisse un vide. Face au risque que tous nos acquis soient compromis », il s’est résolu à se représenter. Et le tollé envahit la Côte d’Ivoire.
Pulchérie Gbalet, présidente citoyenne ivoirienne (ACI), proche de l’opposition, condamne : « Comment quelqu’un qui a fait deux mandats sans paix, sans réconciliation, dans les entraves aux libertés et dans l’appauvrissement des Ivoiriens, peut-il vouloir briguer un troisième mandat ? » Si le régime Ouattara peut se targuer d’une croissance économique record depuis neuf ans, de nombreux observateurs estiment qu’il a échoué sur la question de la réconciliation après la décennie de crise des années 2000, et pas assez pris en compte les questions sociales. » Même son de cloche de Gauz, écrivain satirique : « Les vieux ne sont pas sages. Ils se comportent comme dans une cour de récré.» Gauz s’adresse intentionnellement à Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, l’ex-président étant candidat du PDCI, âgé de 86 ans. Pour sa part, Serge Bilé, écrivain franco-ivoirien, rejette en bloc la doyenneté présidentielle : « Aujourd’hui, plus que jamais, la Côte d’Ivoire est fatiguée du trio Ouattara, Bédié, Gbagbo qui l’a conduite à l’abime.»
A noter que Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro, ne sont pas les seuls à avoir annoncé leurs candidatures. A cette liste, il faut ajouter trois autres : Pascal Affi Nguessan (faction du FPI), Abdallah Albert MabriToikeusse, ministre démissionnaire devenu opposant, et Marcel Amon Tanoh, ex-chef de la diplomatie dissident du RHDP