Nous sommes d’avis avec Thomas Hobbes, l’auteur du Léviathan lorsqu’il affirmait en son temps que : « La première et fondamentale loi de nature est de rechercher et de poursuivre la paix ». Le thème de la paix apparaît comme l’Alpha et l’Oméga dans la structuration de la diplomatie gabonaise depuis son accession à la souveraineté internationale en 1960. Le Gabon havre de paix, fait école en matière de stabilité politique et sociale dans notre sous-région réputée pour être crisogène.

Le Pr. André Louis SANGUIN, l’une des Sommités mondiales en Géographie politique et Géopolitique, il y’a 8 ans en arrière, nous révélait pendant le séminaire de Relations internationales Maritimes, nous citons : « Le plus grand problème de l’Afrique est le manque de Stratégie ». C’est à partir de ce moment que nous avons commencé à réaliser l’approche occidentale des relations internationales. Il faut que nous vous situons le contexte de cet échange. Le débat portait ce jour sur la présence de la Chine en Afrique, et le Professeur expliquait que les nouvelles élites politiques africaines devraient se méfier des nouveaux partenaires, tel que la Chine, car si nous ne faisons pas preuve de prudence, ils vont « tout prendre ». Sur le coup, nous lui avons posé la question suivante : Depuis l’accession des Etats africains francophones à l’indépendance dans la décennie 60, qu’est-ce qui a changé avec l’ancienne puissance coloniale ? Est-ce que les Français aussi n’ont pas tout pris aux Africains ? Nous avons voulu vous partager cette anecdote pour faire un glissement sur notre analyse du jour.

Le lecteur averti et aguerri a vite compris que nous parlons ici de la diplomatie gabonaise ; mais, qu’est-ce que la diplomatie ?
Retenons simplement que cette dernière est la partie de la politique qui concerne les relations entre les Etats : représentation des intérêts d’un gouvernement à l’étranger, administration des affaires internationales, direction et exécution des négociations entre Etats (Ambassade, Légation, Consultat). Et, pour dire également un mot sur le concept qui a pignon sur rue, et qui est venu enrichir le vocabulaire politique, il s’agit de la diplomatie économique. Selon la définition de Bergeijk et Moons : « La diplomatie économique consiste en un ensemble d’activités visant les méthodes et les procédés de la prise internationale de décisions et relatives aux activités économiques transfrontalières dans un monde réel ».

Les bouleversements géopolitiques du monde, illustrés par l’émergence des nouvelles puissances sur la scène mondiale comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, Afrique du sud pour ne citer que cela, nous emmènent à déconstruire la notion « d’Hégémonie » qui se résumait depuis le début du 20e siècle par cette question matricielle et qui motivait toutes les stratégies de grandes puissances en matière de politique internationale à savoir : Qui va détenir la puissance décisive pour dominer le monde ? Le paramètre militaire était en pôle position, et constituait le baromètre d’évaluation de la domination d’un État sur les autres. Aujourd’hui la Chine est venue faire la démonstration qu’au 21e siècle, pour dominer les autres Etats et détenir le Leadership mondial, il faut s’imposer sur le plan économique et commercial, en plus d’avoir une grande armée et détenir l’arme nucléaire : la diplomatie économique prend ainsi le pas sur la diplomatie politique.

Le Président Ali Bongo Ondimba est beaucoup plus un Stratège qu’un politicien, sa méthode politique est un savant dosage, entre la Stratégie et réalisme politique (Realpolitik).

En effet, depuis son accession à la magistrature suprême en 2009, nous assistons à un changement de paradigme dans le déploiement du Gabon sur la scène sous-régionale, régionale et internationale. Cette nouvelle approche se traduit par le passage de la diplomatie de cabinet éminemment politique, au détriment de la diplomatie de terrain qui a une portée économique, écologique et culturelle.

La nouvelle doctrine stratégique du Gabon que l’on peut résumer en quelques mots : Partenariat gagnant-gagnant, c’est-à-dire moins des promesses politiques, et plus de coopération commerciale, sans pression ni chantage ; de notre point de vue, nous pensons que le Président de la République Ali BONGO ONDIMBA a opté comme stratégie diplomatique, « la rupture dans la continuité » ; nous avons d’ailleurs en mémoire son discours devant l’ancien Président français Nicolas SARKOZY. Nous pensons que l’un des symboles de ce conservatisme est la présence du 6e BIMA basé au quartier Camp De Gaulle à Libreville. Il est implanté au Gabon depuis plus de 40 ans, et dispose d’une aura bâtie sur une longue expérience et de solides liens de confiance avec les autorités militaires des pays de la CEEAC. Sur le plan économique, les entreprises françaises occupent la première place ; dire donc que le Gabon est en train de sortir du pré-carré français est la preuve que beaucoup parlent des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. De plus, les vétérans comme Eramet, dans le manganèse, Rougier dans le bois, Canal+ dans le divertissement ou JC Decaux dans l’affichage publicitaire sont des parfaites illustrations de cette présence française au Gabon. Dans cette même lancée, le porte-parole de la Présidence de la République Jessye ELLA EKOGHA est venu répondre à tous ces profanes lors de son point de presse du lundi 31 mai 2021 en affirmant : « Ce n’est pas parce qu’on travaille avec de nouveaux partenaires qu’on oubliera nos partenaires historiques », cette pensée confirme bien cette politique de rupture dans la continuité, prônée par le Président de la République Ali BONGO ONDIMBA.

La posture diplomatique gabonaise sous Ali BONGO ONDIMBA a une dimension pragmatique, souvenez-vous qu’en juin 2017, dans le cadre du renforcement des relations Sud-Sud, ce dernier était rencontré son homologue cubain, Raoul CASTRO et plusieurs accords de coopération avaient été signés. De même, en Mai 2021, le Gabon a accueilli une centaine de médecins, venus renforcer l’offre de soin, et éradiquer les déserts médicaux. Nous pouvons citer un autre exemple qui colle avec l’actualité, l’apport de la Chine dans la lutte contre la Covid 19 ; le Gabon avait reçu une première dotation de 100.000 doses du vaccin chinois de Sinopharm en Mars dernier, et en mai, une seconde dotation de 300.000 doses de vaccin. À cet effet, le Ministre de la Santé Guy Patrick OBIANG NDONG affirmait : « La République populaire de Chine depuis le début de l’épidémie ne cesse de soutenir le Gabon. Aujourd’hui, ces doses de vaccin Sinopharm, qui ont été remise gracieusement à la République gabonaise témoignent de l’excellence des relations d’amitié qui existent entre le Gabon et la République populaire de Chine ».

Dans le même ordre d’idées, signalons que la dernière actualité est celle qui a suscité des vifs débats sur les réseaux sociaux au lendemain de la visite de Monsieur Ali BONGO ONDIMBA à Londres. Ce dernier s’était entretenu avec la Secrétaire générale du Commonwealth, Madame Patricia SCOTLAND, le 11 mai en vue de l’adhésion du Gabon à cette organisation intergouvernementale. De ce fait, la récente visite du Ministre des Affaires étrangères du gabon en Russie vient confirmer de tout point de vue la dimension d’ouverture de la diplomatie gabonaise.

Cependant, il est important de le dire ; pour le cas de la France : la France en ce début du 21e siècle doit apprendre à respecter ses partenaires traditionnels, historiques et stratégiques. Les anciennes colonies françaises sont des Etats souverains, qui détiennent : un territoire, une population, une armée, une organisation politique et la reconnaissance internationale à la suite de leur acte d’adhésion à l’ONU. Il ne devrait donc plus exister des blocs ; avec d’un côté le bloc des forts et de l’autre, le bloc des faibles, la loi du plus fort, ni de la diplomatie de la jungle, à l’image du Léviathan : ‘’l’homme est un loup pour l’homme.’’ C’est l’occasion ici pour nous de réaffirmer nos vœux de réussite à la nouvelle approche des Relations internationales basées sur le respect mutuel entre partenaires ; la non-ingérence aux affaires intérieures des Etats, et le fait d’accepter que tous les états sont égaux, partant de ce postulat au 21e siècle, puisqu’aucun pays n’est assez fort pour être le meilleur. D’ailleurs, le Coronavirus est venu révéler au monde que tous les hommes sont égaux, et que tous les Etats sont intimement liés géographiquement. Aucun pays n’a pu être épargné face à cette pandémie, qui est un ennemi à la fois invisible, imprévisible et invincible. Le coronavirus est venu sonner le glas de l’hégémonie occidentale, et les peuples des autres parties du monde ont découvert que les Occidentaux sont tout aussi vulnérables. Cet ennemi redoutable a permis aux Spécialistes des questions internationales de revoir leurs anciennes conceptions, qui affirmaient que détenir l’arme nucléaire était un facteur de puissance, ce qui peut expliquer durant tout le 20e siècle, la course aux armements comme Doctrine stratégique de tous les Etats.
En toute objectivité, nous pensons que le facteur militaire compte toujours, mais il n’est plus le seul. Nous avons également le facteur économique qui renvoie à la conquête des parts de marché. Aujourd’hui, nous constatons d’ailleurs des fortes rivalités sur le plan économique entre les grandes puissances.

À la lumière de ce qui précède, nous pouvons affirmer que l’Occident a un problème avec ses propres modèles (Culturels, économiques et politiques), et, l’Afrique ne devrait pas les prendre pour référence. Il faudrait revisiter les accords de coopération, privilégier la relation gagnant-gagnant comme Monsieur Ali BONGO ONDIMBA le dit lui-même ; et en ce sens, la relation de confiance entre les dirigeants et leurs peuples s’avère désormais indispensable.

L’Afrique a besoin des leaders pacifistes, africanistes et démocrates, et les populations doivent soutenir et protéger ces grands leaders qui mettent l’intérêt des populations au premier chef.

L’Afrique est à la croisée de chemin, et nous avons rendez-vous avec l’Histoire en ce début du 21e siècle. La France, ancienne puissance coloniale doit nous aider à prendre en main notre destin politique et économique, sans pression ni chantage, mais en acceptant de revoir les règles du jeu comme nous l’avons souligné en filigrane. Nous savons pertinemment qu’en Relations internationales, il n’y a point de philanthropie, mais, la défense des intérêts par chaque acteur, qui se traduit par la lutte pour la survie ; les Etats apparaissent ainsi comme des « Montres froids ». En sus, retenons que la nouvelle posture de la diplomatie gabonaise intègre trois dimensions à savoir : Le conservatisme, le pragmatisme et l’ouverture. Aussi, nous ne saurons refermer notre analyse, sans citer Thomas Hobbes, qui signalait déjà que : « Le droit de nature est le droit de se défendre par tous les moyens dont on dispose » ; nous pensons que Certains Chefs d’État africains sont en train de le comprendre, et ceci n’est que bénéfique pour l’Afrique.

Francis Edgard SIMA MBA
Géopolitologue/Géostratège.
Analyste politique.
Consultant international MCCA.
Expert en Stratégie et en Intelligence politique.