Dès son accession à l’indépendance en date du 17 Août 1960, le Gabon comme bien d’autres pays en Afrique va démarrer sa marche vers le développement à travers l’exploitation de sa richesse forestière qui représentait en 1961 70% de la production nationale. A cela, s’ajoute l’extraction des ressources du sous-sol. En 1965, l’exploitation des ressources du sous-sol devient la principale activité économique au regard de sa contribution dans la production nationale (61%). Ces recettes issues principalement des ressources naturelles vont inciter la jeune République à aspirer au financement de son développement via le financement de l’investissement productif.
Une question se pose alors : Comment financer l’investissement productif ?
La première source de financement de l’investissement production national n’est autre que le financement interne qui passe nécessairement par la mobilisation du surplus économique de l’Etat. D’où la nécessité d’un développement autocentré. Mais alors, ce développement autocentré pour ce qui est du Gabon et même pour la plupart des PED, n’a pas tenu compte de l’impact de l’environnement international notamment :La dépréciation d’environ 40% du dollars américain par rapport aux autres monnaies, notamment par rapport au FCFA.
En effet, le dollar américain est la monnaie dans laquelle sont libellés les prix de la plupart des produits d’exportation ;
La chute des cours internationaux des principaux produits d’exportation (café, coton, cacao) avec pour principale conséquence, la détérioration des termes de l’échange ;
La fiscalité imposée par les pays du Nord aux pays du Sud.
Dans les faits, treize ans après l’indépendance du Gabon (1973), le monde va connaitre le premier choc pétrolier qui s’est caractérisé par le quadruplement du cours du baril de pétrole du fait des stratégies mises en place par les principaux pays de l’OPEP (baisse de la production du pétrole face à une hausse de la demande mondiale de ce bien). Cette situation va favoriser une croissance réelle moyenne de 9% durant la période 1973-1977. Par la suite, la période 1977-1979 sera marquée par une baisse de la production pétrolière et la stabilisation des prix du pétrole et ces mesures seront à l’origine d’une grande récession (baisse du PIB réel de -21% et -28% respectivement en 1977 et 1978 selon les statistiques du FMI (1979). Cette mauvaise performance de l’économie gabonaise va entrainer des graves déséquilibres financiers au début des années 80, marqués par une faiblesse de l’épargne intérieure dans les pays de la périphérie au regard des besoins socioéconomiques à satisfaire.
Le recours aux capitaux étrangers sert donc d’appoint à cette épargne et permet de financer les projets d’investissement nécessaires à une croissance soutenable.
Dans cette optique, l’endettement apparaît comme un élément essentiel à intégrer dans le processus de développement. Les prêts sont obtenus d’autant plus facilement que les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont généré une abondance de liquidité que les banques s’empennent de distribuer aux demandeurs. En effet, au début des années 70, l’économie mondiale a traversé une zone de turbulence marquée par une flambée des cours du baril de pétrole, atteignant même un record de 65 dollars : c’est le premier choc pétrolier. Progressivement, ce cours commence à chuter, puis remonte vers les années 1979 ; on assiste ainsi au second choc pétrolier. Ces deux chocs pétroliers laissent une empreinte indélébile dans l’histoire de la crise d’endettement qu’aura connu le Gabon.
Les pays arabes, principaux producteurs de pétrole ont été les plus bénéficiaires des pétrodollars issus de ces chocs. Ils décident de les épargner dans les grandes banques occidentales où les taux d’intérêt sont très attractifs. L’heure n’étant pas aux grands investissements dans ces banques déjà surliquides, commencent à chercher des terrains fertiles dans les pays étrangers notamment dans le tier monde afin de rentabiliser leurs fortes sommes d’argent.

C’est dans un contexte de surendettement et des déséquilibres économiques que certains PED à l’instar du Gabon ont dû adopter des reformes basées sur des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) sous la supervision de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International dans le cadre du Consensus de Washington. Les objectifs visés étaient entre autres de restructurer les entreprises du secteur public, la réduction du budget de l’Etat lié à une redéfinition du rôle de ce dernier qui doit stimuler l’activité économique plutôt que de distribuer les revenus. En général, les P.A.S visaient d’une part à stabiliser les économies en difficultés et d’autre part la relance des activités économiques. Au demeurant, les politiques interventionnistes qui ont prévalu dans ces pays au cours des années 1960 et 1970 ont été considérées comme la principale cause de cette crise. Ainsi, les politiques de libéralisation ont été préconisées comme solution à la crise.

Ces reformes se sont intensifiées en Afrique sub-saharienne et particulièrement dans la Zone Franc à partir de 1994 avec la dévaluation du franc CFA par rapport au franc français et le processus d’intégration sous-régionale. A cet effet, le Gabon fait partie des pays de cette zone qui a le moins ressenti la perte des devises due à l’augmentation du prix des importations car l’essentiel de ses importations étaient française (l’impact de la dévaluation était moins important sur l’économie gabonaise du fait de la parité fixe entre le franc CFA et le franc français). Il faut noter au passage que cette dévaluation n’a pas eu des effets escompté (amélioration des recettes d’exportations) du fait de l’absence d’un tissu industriel solide. Cependant, elle a permis néanmoins de compenser en partie les conséquences de la baisse du cours du baril de pétrole.
En 2000, le Gabon va se joindre aux autres pays de la communauté internationale à travers les OMD pour lutter entre autres contre la pauvreté. Cet objectif est poursuivi non seulement dans l’agenda 2030 des ODD mais constitue également une priorité dans le Plan Stratégique Gabon Emergent 2025 (PSGE). Ce plan vise aussi à promouvoir et encadrer la naissance de nouvelles industries, de moderniser l’économie gabonaise, de la diversifier et de réduire le chômage des jeunes. L’ensemble des objectifs de ce plan est regroupé en un tri-type : « un Gabon industriel » ; « un Gabon vert » et un « Gabon des services »
Cette situation démontre à suffisance que le Gabon n’évolue pas en marge de la mondialisation dont l’un des principes est l’ouverture des frontières. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce pays qui détient le deuxième revenu par habitant après la Guinée Equatoriale (ONU, 2014) fait partie des premiers pays à avoir ratifié l’accord de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECA) dont l’entrée en vigueur est effective depuis le premier janvier 2021. L’intégration du Gabon au marché africain de 1,2 milliard de consommateurs va permettre au pays de booster ses productions, de valoriser son savoir-faire local « Made in Gabon » afin de donner ainsi le pouvoir aux entreprises exportatrices. De plus, cette intégration permettra au pays qui représente 16, 2% des économies de la CEMAC (Banque Mondiale, 2017) de développer davantage son réseau infrastructurel afin d’attirer les investisseurs.

En 2014, la chute du cours du baril du pétrole sur le marché international a entrainé une contraction de la production gabonaise (le pétrole représente 80% des recettes d’exportations pour une contribution au PIB de 35%). Cette chute n’est pas sans conséquence sur le PSGE 2025. Pour maintenir, les grandes orientations de ce plan, le gouvernement gabonais a négocié un plan de relance économique (PRE) auprès du FMI en 2017. Rappelons-le, le plan triennal de réforme économique a permis au Gabon d’obtenir un montant de 642 millions de dollars auprès du FMI. Ce programme a permis de redresser le cadre macroéconomique et d’impulser une croissance positive de 3,9% en 2019.

En 2020, survient, la pandémie Mondiale Covid-19 avec des conséquences graves sur le plan économique. Le chef de l’Etat Ali BONGO ONDIMBA, soucieux des préoccupations des gabonais et des gabonaises, va trouver des solutions pour alléger la souffrance de sa population à travers des transferts sociaux et la prise en charge des frais de logements, d’eau et d’électricité. L’engagement du Président de la république pour l’atteinte des objectifs du PSGE ne saurait être stoppé par cette pandémie. C’est pour cette raison qu’il a mis sur pied en 2021 un nouveau plan dénommé Plan d’accélération de la transformation (P. A. T). C’est un plan triennal (2021-2023) qui a été approuvé par le FMI. Ce plan vise à faire passer la contribution du secteur pétrolier en deçà du seuil de 20% du PIB contrairement à 33% actuellement. Le but est également de faire reculer l’incidence de la pauvreté de 35% à moins de 25%. Il est aussi question pour ce plan d’assainir les finances publiques car les prévisions les plus pessimistes estiment qu’en 2030, la production du pétrole oscillera autour de 100 000 barils par jour contre 218000 actuellement. Ce Plan est bien en phase avec celui du PSGE2025. Ces différents recourt du pays à IDH le plus élevé d’Afrique (ONU, 2014) auprès du FMI ont entrainé un niveau d’endettement supérieur au seuil adopté par les critères de convergence de la zone CEMAC qui est de 70%.
Quelques perspectives :
-Mettre en œuvre des mesures permettant de favoriser une reprise de la croissance économique ;
-Investir davantage dans les infrastructures qui sont des catalyseurs du développement
-Lutter contre la corruption
-Consolider le Plan d’Accélération de la Transformation. Déjà ce plan triennal a permis au Gabon d’obtenir du FMI un montant de 316 Milliards de FCFA. L’objectif étant de poursuivre la lutte contre le Corona Virus ainsi que l’atteindre les objectifs du PSGE 2025. A travers ce Plan, le Gabon espère une reprise de sa croissance économique à court terme.
-Raffermir la diversification son économie :
Développement de l’agro-industrie (Projet Gaine ; Usine de transformation d’huile de Palme, …) ;
Valorisation des ressources halieutiques ;
Transformation locale du bois (ZES NKOK) ;
Appropriation de la politique d’ISI ;
Intensification des activités minières (manganèse, or, marbre, …) ;
Développement de l’écotourisme (faune, flore, parcs nationaux)
-Intensifier l’assainissement des finances publics :
Réduction du train de vie de l’Etat ;
Transparence dans la gestion des ressources publiques ;
Renforcement de l’Etat de droit
-Accentuer l’amélioration du tissu productif gabonais :
Renforcement des capacités énergétiques ;Construction des barrages hydroélectriques ;
Construction des infrastructures scolaires, universitaires et sanitaires ;Renforcement des capacités infrastructurelles ; Assainissement du climat des affaires ; Renforcement du capital humain.

Dr Emmanuel Le Roi NSO FILS,
Enseignant-Chercheur en Economie.