Lorsqu’une requête est déposée à la cour constitutionnelle, celle-ci apprécie d’abord la forme, qui est tout aussi importante que le fond. Autrement dit, quand au niveau de la forme, de graves manquements sont constatés, sans même aller au fond, la cour peut déjà statuer. Et visiblement, c’est ce qui semble avoir été fait dans la décision n°0043/CC du 24 décembre 2021.
Aussi, nul ne comprend le débat impertinent engagé par des individus qui donnent l’impression de découvrir le fonctionnement ordinaire de toute juridiction.

Dans la réaction surprenante du gouvernement, où on y lit de façon précise un acte de défiance grave et intolérable pour qui prétend être républicain. Au moment où la cour constitutionnelle appréciait la saisine du mouvement Copil citoyen, le gouvernement, sans le moindre doute, instrumentalisé par des mains noires en imposture au palais présidentiel, avait déjà mis sous le coude, sa riposte.

En effet, ce qui trahit sa posture belliqueuse et irresponsable est le fait qu’aussitôt la décision de la cour constitutionnelle fût rendue publique, aussitôt dans le journal officiel, on voit apparaître le nouvel arrêté du gouvernement, n°0685/PM. Non seulement celui-ci ne prend pas en compte les observations de la haute juridiction pour ce qui est du respect de la procédure. Mais en plus, il reprend quasiment à l’identique les différentes mesures querellées. C’est dire…

Dans la décision de la cour constitutionnelle, appréciée dans sa forme, c’est le Parlement qui a été violé dans ses droits. Malgré le rappel de la loi par la cour constitutionnelle, il vient à nouveau d’être abusé. La question à se poser est de savoir que va t-il faire quand on sait que l’article 36 de la Constitution dispose que « le Parlement vote la loi, consent l’impôt, CONTRÔLE L’ACTION DU GOUVERNEMENT et évalue les politiques publiques dans les conditions prévues par la présente Constitution?

Quid de la pertinence de l’article 64 de la Constitution dont l’application s’impose du fait de l’actualité ambiante et de l’irresponsabilité affichée du gouvernement? Cet article clair de la Loi fondamentale dispose que « l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une MOTION DE CENSURE. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par au moins un quart des membres de l’assemblée nationale ».

L’article 65 précise que « lorsque l’assemblée nationale adopte une motion de censure ou refuse sa confiance au premier ministre, celui-ci doit remettre immédiatement sa démission au président de la République. La démission du premier ministre entraîne la démission collective du gouvernement. Un nouveau premier ministre est alors nommé dans les conditions prévues à l’article 15 ci-dessus.

En réalité c’est la moindre des choses que devrait engager nos parlementaires s’ils possèdent encore un peu de dignité et un peu de sens de l’État. A défaut d’engager une procédure en vue de la vacance de la présidence de la République tant les actes posés ne correspondent pas à l’ADN d’Ali Bongo Ondimba. Hier c’était Brice Laccruche Alihanga qu’on accusait de jouer abusivement le rôle du président de la République. Cette fois ci c’est qui les coupables?
Soit on veut faire l’autruche face à une situation où les actes posés démontrent une grave imposture, alors acceptons de tuer, sans faire semblant, ce qui reste de la République gabonaise léguée par nos pères. Soit on règle le problème à la racine pour reprendre à marcher tête haute à la face du monde et pour construire notre pays agressé par des ennemis plus que jamais identifiés.

Parlementaires gabonais, arborer avec arrogance vos symboles d’élus de la République, c’est bien. Jouir de privilèges, finalement non mérités, c’est encore acceptable. Mais ne pas vouloir assumer vos responsabilités quand plus rien ne justifie votre inaction est tout simplement honteux. Là il s’agit de vos droits, de vos prérogatives qui sont violés. Le peuple gabonais et le monde entier vous regardent.
La situation inédite que traverse notre pays rappelle l’état d’esprit qui a avait entraîné la chute du gouvernement Pompidou en 1962, réalisée par sa propre majorité, lorsque le général de Gaulle voulut introduire sa réforme de l’élection présidentielle au suffrage universel direct. La réaction de sa majorité s’inscrivait dans un esprit républicain et non partisan.

A ce niveau d’affront par le gouvernement ou leurs donneurs d’ordre, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Il est l’heure et nous avons l’âge de dire NON et STOP. Par contre, vous serez à jamais considérés comme des hommelettes si vous vous montrez incapables d’avoir le courage que sollicite l’Histoire pour l’avenir et le devenir de notre pays.
Hélas, rien de rassurant pour notre pays lorsqu’on revisite l’attitude pitoyable que nos Parlementaires avaient déjà eu lors du débat sur la dépénalisation de l’homosexualité au Gabon. On peut aisément dire que des pointures courageuses et patriotiques comme Coniquet, Ogouliguendé, Agondjo, Oyone Aba’a, Mpouhot Epigat, Rahandi Chambrier et Mamboundou Mamboundou manquent vraiment à l’appel.

Une chose est certaine, le Gabon immortel ne mourra pas, c’est vous qui entrerez et demeurerez dans les poubelles de l’histoire de notre pays. Votre attitude passive serait incompréhensible. Mais, nul doute que les jours à venir s’annoncent sport. Si rien n’est fait du côté du parlement, il faut alors dire que les Parlementaires de cette législature auraient été de véritables nés avant la honte et des gens sans valeur. Inutile de vous cacher sans cesse derrière la cour constitutionnelle. Faites votre part. C’est à ce niveau qu’on jugera le bilan de chacun. N’est pas un homme d’état qui porte tout simplement une fonction. L’est celui qui dose, propose et qui ose. Alors osez.

Par Télesphore Obame Ngomo