Il y a quelques semaines, la question aurait été jugée à coup sûr subversive. Le fait même de la poser aurait pu être jugé comme une impertinence portant en elle-même atteinte au respect dû à la Justice. Pourtant le verdict prononcé par le Conseil d’état annulant l’élection de maître Raymond Obame Sima à la tête du Barreau du Gabon, appelle à une vigilance de tous les instants.

Indéchiffrable aux yeux du grand public, la bataille de communication à laquelle se sont livrés ces derniers jours, par presse interposée, les avocats du Barreau du Gabon révèle un malaise profond, dont les répercussions semblent avoir fait trembler jusqu’aux murs du Conseil d’état.

Saisi par Mes Moubembé, Erangah et Chambrier, la haute juridiction statuait sur le recours en annulation de l’élection du 6 janvier dernier. Alors que rien ne laissait présager un tel épilogue, le Conseil d’état a pris la décision d’annuler le scrutin remporté par Me Raymond Obame Sima sur un moyen d’annulation qui n’a été soulevé par aucune des parties. En effet, les demandes de Mes Moubembé et Erangah étaient fondées sur l’âge professionnel du Bâtonnier élu. Curieusement, le Conseil d’état se fonde sur la publication tardive de la liste électorale pour annuler l’élection.

Une décision présentée comme une preuve de dépendance et de partialité de la haute juridiction. En statuant ainsi non seulement elle s’est fondée sur un moyen qu’il a relevé d’office sans avoir inviter les parties conformément à la loi à faire des observations sur ce moyen. Sa décision a donc violé les droits fondamentaux garantis par la constitution et en particulier les droits de la défense, la contradiction et le droit à un procès équitable.

Le Conseil d’état a donc emprunté un moyen dans la requête de Maître Chambrier qu’il venait de déclarer pourtant irrecevable et l’a transféré dans la requête de Me Moumbembe qui ne l’a jamais invoqué car d’ailleurs le savait il très bien, ce dernier avait payé sa cotisation la veille de l’élection à 17h30. Il ne pouvait donc pas pas attaquer un fait qui lui a profité.

La prétendue publication tardive du collège électoral trouvée dans l’article 59 de la Loi spéciale des avocats est une pure invention. Et pour cause la cette exigence requise selon la Haute Juridiction administrative à peine de nullité, n’en est pas une. Une lecture attentive de cet article pourtant inscrit au visa de son argumentaire montre que son contenu est sans lien avec la sanction que le conseil d’état a retenu. La Loi spéciale des avocats ne traite pas de la question relative à la publication des délais.

La décision du conseil d’état est d’une faiblesse juridique qui surprend au regard de la qualité et de l’expérience de la composition de ses membres . Qu’est-ce qui a bien pu justifier de tels errements techniques ? Une instruction contre nature de dernière minute ou une motivation spéciale ?

Il a visiblement choisi un camp. Pour preuve, il s’apprête à désigner Me Erangah pourtant partie au procès ou Me Reteno Ndiaye pour assurer le rôle de Bâtonnier intérimaire alors que l’article 66 de la loi sur la profession d’Avocat précise que la désignation du Bâtonnier intérimaire se fait par élection. Dans la pratique en plus, l’intérimaire a toujours été choisi parmi les avocats les plus anciens. C’est ainsi que par le passé les anciens Bâtonniers Agondjo et Issialh ainsi que Me Marlyse Issembe Doyen des avocats à cette époque, ont déjà occupé cette fonction. Les Avocats insistent actuellement pour que cet usage soit respecté.

De fait, l’analyse de ce dossier ayant défrayé la chronique ces dernières semaines révèle une situation de dysfonctionnement profond, structurelle, que seules la Cour Constitutionnelle et le président de la République peuvent dégeler.