Le projet constitutionnel soumis à l’appréciation des gabonais fait l’objet d’âpres discussions entre ceux-là qui y voient la nécessité de le soutenir, du fait des intérêts qu’ils y trouveraient, et d’autres qui restent foncièrement opposés à son adoption.
De ces deux postures, se dégage cependant un premier enseignement : la vitalité démocratique exprimée. Celle-ci constitue d’ailleurs une première victoire, aussi bien pour les initiateurs de ce projet constitutionnel, en tête desquels le Président de la République, que pour le peuple gabonais qui, malgré certaines dissensions d’opinions, développe une maturité politique remarquable. Au-delà de ces constats, il importe de questionner méthodiquement cette opposition de vues.
D’abord le non. Soutenu aussi bien par quelques acteurs politiques, de la société civile, ainsi que des entités abusivement appelés « influenceurs », ces partisans emploient un superlatif acerbe, lequel fait dudit projet constitutionnel le pir, du fait, selon eux, d’une construction volontaire de l’hyper-présidentialité d’une part. D’autre part, ils soulignent un recul démocratique manifestement symbolisé par une absence d’ouverture martelée par une logique exclusiviste d’une franche de la population (soit par l’âge ou par la nationalité) aux élections présidentielles.
Les partisans du Oui, plus nombreux, au regard de leur « melting pot sociopolitique » sembleraient unanimes sur les évolutions démocratiques considérables inscrites dans ce projet constitutionnel. Celles-ci s’articuleraient, selon eux, sur la limitation des mandats, sur l’impossibilité d’une succession dynastique au pouvoir ainsi que sur le retrait d’un ensemble de prérogatives échéant autrefois au Président de la République, à l’instar de son pouvoir de nomination du président de la cours constitutionnelle, la limitation drastique de son pouvoir de dissolution de l’assemblée nationale, une fois lors d’un mandat, ainsi que le retrait de son titre de chef suprême, etc.
Ces deux postures témoignant de l’expression démocratique du pays et de l’enjeu autour de ce projet constitutionnel nécessitent cependant un regard plus impartial, dénué de toute logique partisane et de toute subjectivité en termes d’appréciation. À ce titre, en lisant intégralement ledit projet, puis en l’analysant minutieusement tout en déployant quelques comparaisons d’avec celle de 1991 devenue la référence depuis le coup de force des militaires, il serait intellectuellement malhonnête, voire hypocrite de ne pas reconnaître quelques innovations qui s’y trouvent. En effet, celui-ci corrige significativement de nombreuses insuffisances, voire les aberrations supplémentaires insérées bien avant l’acte salutaire des forces de défense du 30 août 2023.
Il faut donc dire qu’en dehors de quelques articles qui pourraient faire l’objet d’amendement futurs, ce projet promeut une réelle évolution démocratique, tenant à la fois sur les possibilités d’alternance au pouvoir et sur le renforcement de la souveraineté du peuple.
Il semble donc, à l’analyse des discours de certains partisans du NON, qu’ils ne se focalisent que sur quelques aspects insignifiants pour rejeter une constitution plébiscitée par une large partie de la population. Dans les faits, et sans balayer totalement quelques-uns de leurs arguments pertinents, on peut, sans risque de se tromper, dire que ce projet répond aux nouveaux enjeux actuels de renforcement de l’État et aux aspirations du peuple gabonais libre de sa pensée. Par ailleurs, il serait erroné de vouloir faire croire que les partisans du OUI, baigneraient dans une forme d’instrumentalisation et de manipulation à tous égards.
En tout état de cause, l’unanimité recherchée par les partisans du NON n’existe que très rarement en politique, voire pas du tout, notamment sur des sujets de portée nationale. Dans les faits, cette unanimité est un leurre dans une société foncièrement encrée dans les valeurs de liberté comme au Gabon. Bien évidemment, le débat tel que mené par ces partisans du NON interpelle sur la nécessité d’ajuster, de repréciser et peut-être clarifier davantage. Toutefois, leur obsession de maintenir l’ancienne constitution de 1991 ou plutôt de procéder plus tard à la révision constitutionnelle ressemblerait davantage à une aversion au changement, une logique attentiste, voire un immobilisme déconcerté dans une période où le pays doit construire les nouvelles bases de son fonctionnement.
Pour clore mon propos, il me plait de reprendre Nelson Mandela : « que vos choix reflètent vos espoirs et non pas vos peurs ». Pour être on ne peut plus clair, si ce projet de constitution suscite de l’espoir chez de nombreux gabonais, il serait donc illogique d’opter pour le NON.
Saturnin Ndong Ndong, Docteur en Géographie-environnement, et spécialiste de Géopolitique et de Geostrategie.