Libreville – Assemblée nationale 27 juin 2025.

Face à une institution qui interroge, un ministre a choisi de ne pas éluder. Dans une atmosphère tendue mais empreinte d’attente démocratique, Sosthène Nguema Nguema, ministre du Pétrole et du Gaz, a répondu avec rigueur et clarté aux députés, concernant l’accident mortel survenu le 20 mars 2024 sur la plateforme pétrolière de Becuna, exploitée par Perenco.

Devant un hémicycle attentif, il s’agissait pour le ministre d’apporter des éclaircissements sur une affaire qui avait bouleversé l’opinion publique : six morts (dont quatre Gabonais), une plateforme endommagée, et une question centrale — le Gabon maîtrise-t-il vraiment son secteur pétrolier ?

Des faits, des morts, des responsabilités

Sans esquive, Sosthène Nguema Nguema est revenu sur les causes de l’accident. Selon les conclusions de l’enquête en cours, plusieurs facteurs ont été identifiés : non-respect des procédures de contrôle de puits, équipements inadaptés, et du personnel peu qualifié. Un cocktail explosif qui a conduit au drame. « Le risque zéro n’existe pas, mais l’exigence de sécurité maximale doit être la norme », a-t-il martelé, sans chercher à atténuer la gravité des manquements constatés.

Vers une réforme du contrôle et de la sous-traitance

Le ministre, dans un ton pédagogique et sans fioritures, a ensuite insisté sur l’impératif du respect des standards internationaux (API, ISO, NORSOK). Il a annoncé le renforcement des contrôles, inspections et audits menés par l’Administration des Hydrocarbures. En clair, le temps du laisser-faire semble révolu.

Concernant la sous-traitance, il a rappelé l’article 186 de la loi n°002/2019 qui privilégie les sociétés gabonaises. Une déclaration qui résonne dans un secteur historiquement dominé par des intérêts étrangers, souvent opaques.

Dédommagements : une approche « à l’amiable » mais encadrée

Sur le front des victimes, Nguema Nguema a tenu à rassurer : « L’État a veillé à ce que les intérêts des familles soient garantis dans les protocoles d’accord signés à l’amiable avec la société exploitante ». D’après lui, ces accords sont respectés. Un point qui n’écarte pas les critiques mais qui marque une volonté de rééquilibrer la relation entre industrie pétrolière et dignité humaine.

Pollution : plus jamais sans contrôle

Autre point brûlant, les cas récurrents de pollution liés aux activités pétrolières. Le ministre a affirmé que toutes les réparations et indemnisations ont été effectuées par les entreprises fautives. Plus encore, une note d’instruction en date du 4 avril 2024 exige désormais des audits techniques préventifs dans toutes les installations pétrolières, en amont comme en aval.

Un plan d’urgence est également en cours d’élaboration pour permettre au ministère d’intervenir « promptement » en cas d’accident. Une première dans un pays où la réactivité institutionnelle a souvent été en défaut.

Un changement de ton salué par les députés

Au terme de l’échange, les élus, à commencer par le 4ᵉ vice-président Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, ont salué la transparence et la fermeté du ministre. Un contraste saisissant avec les pratiques anciennes, souvent marquées par l’omerta et la confusion entre intérêts publics et privés.

Un virage pour un secteur sous pression

Le passage du ministre à l’Assemblée pourrait marquer un tournant. Celui d’un ministère longtemps perçu comme un bastion d’opacité, désormais sommé de se moderniser. La volonté politique affichée, même si encore embryonnaire, pourrait redonner un semblant de souveraineté au Gabon sur sa principale ressource économique.

Dans un pays où l’or noir a longtemps été synonyme de silence et de scandales étouffés, la parole publique, quand elle se fait claire et responsable, vaut déjà acte de rupture.