En dehors de la Cote d’Ivoire de Félix Houphouet Boigny, toutes les anciennes colonies françaises ont fait la même erreur monumentale,celle de plagier la Constitution française de 1958 mise en place par le Général de Gaulle sous la supervision de Michel Debré.

Rappelons que Félix Houphouet Boigny fait partie des 5 principaux rédacteurs de ladite Constitution. Ayant été un acteur politique français actif dans les Républiques précédant la cinquième, il mesurait bien le poids ou le sens de chaque mot inscrit dans celle-ci. Ce qui n’est pas le cas pour la majorité des Constitutions des pays d’Afrique francophone.

Le fonctionnement de nos sociétés diverses, avec ses rites et ses coutumes, n’a pas été le socle de la réflexion au cours des rédactions de nos nouvelles lois fondamentales. Aussi, on peut mieux comprendre la réalité hybride de ce qui fonde notre vivre ensemble.

Dans l’esprit de la cinquième République selon le général de Gaulle, que le Gabon a mal adapté, ce n’est certainement pas devant le parlement que le président de la République aurait dû solliciter un quelconque soutien, quand bien même ils appartiendraient à la « même majorité ». Sinon quid de la dissolution de l’assemblée nationale en mai 1968 par de Gaulle et en 1997 par Jacques Chirac par exemple? Elles étaient pourtant bien de la même majorité que le président de la République.

Dans le contexte du Gabon, les réserves possibles quant à cet acte du président de la République sont plus que légitimes pour 3 principales raisons:

(1) quid des résultats de l’élection présidentielle d’août 2016. Pourquoi Ali Bongo Ondimba s’est-il fait laminer dans la majorité des circonscriptions de nos parlementaires PDG et apparentés tandis qu’au moment des élections législatives, certains élus ont remporté leur victoire avec des scores quasi soviétiques, symbole d’une légitimité indiscutable?

(2) Ali Bongo Ondimba peut-il prétendre maîtriser un parlement dont il n’a pas été à l’origine de la composition? Lorsqu’il s’est agi de constituer les investitures, c’était l’ère de son directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga, lui étant en pleine convalescence. On peut alors se demander, de qui répondent en réalité ces parlementaires? A cet effet, qui plus que Brice Laccruche Alihanga aura autant mobilisé la République ces trois dernières années?

(3) Le fonctionnement ordinaire d’une République plus ou moins normale, les Parlementaires actuels en savent grand chose. Ils ont été pour la plupart, soit ministres, soit hauts fonctionnaires. Il est alors évident qu’ils ne peuvent valider les nouveaux modes de gouvernance en cours. Entre arrestations abusives et évictions barbares des hauts cadres de la République, la digestion reste difficile.

A partir de ces éléments énoncés, on voit bien que ce n’est certainement pas devant les Parlementaires que le président de la République aurait dû se présenter pour afficher toute sa détresse voire son désarroi. Le silence affiché du parlement face à tout ce qui se passe dans le pays n’est ni un signe de faiblesse encore moins un acquiescement. Tout félin attend toujours le moment propice pour bondir sur sa proie.

Si on devait faire parler l’histoire, il faut dire que c’est du parlement que sont partis les coups les plus violents contre le candidat du PDG en août 2016. Les nombreuses défections traduisaient bien l’état d’esprit général dans le pays. Le feu qui avait été mis à cet endroit fût également un symbole non négligeable. C’est dire…

En allant demander le soutien au pouvoir législatif, pour les temps à venir, le président de la République, sans le dire, venait également de juger son gouvernement avec qui il partage l’exécutif. Et à la lecture de l’inefficacité des ministres voire de leur inexistence dans la République, dans les actes comme dans le simple maniement de la parole, on comprend mieux les inquiétudes du Chef de l’État.

Une chose reste certaine, avec des ministres qui, dans leur grande majorité, n’ont jamais affronté une élection et ne sont même pas capable de vendre, ne serait-ce qu’un brin d’espoir aux gabonais, Ali Bongo Ondimba, dans son état de récupération, et l’Occident ayant aiguisé sa guillotine, aura du mal à négocier un troisième mandat.

Deux ans avaient suffit à Jean Ping pour se créer une légitimité confortable au sein de l’opinion nationale. Il serait peut-être temps d’arrêter de courir avec des escarpins quand on sait que si on avait eu Guy Nzouba Ndama à la place de Jean Ping en 2016, aujourd’hui on ferait un autre type de lecture du jeu politique. Mieux, quels arguments pour vaincre des acteurs percutants, structurés et déterminés comme Alexandre Barro Chambrier ou Jean Gaspard Ntoutoume Ayi?

A ce niveau des enjeux, si Ali Bongo veut tenter de faire bouger les lignes susceptibles de déstabiliser ses adversaires plus que déterminés, un remaniement en profondeur s’impose. Et à ce niveau, Laurent Fabius, conseillant le président Hollande en grande difficulté, de lui dire qu’un remaniement en profondeur passe par un changement radical du gouvernement. C’est l’ultime issue qui reste au Chef de l’État, les secondes étant désormais comptées.

Par *Télesphore Obame Ngomo*