Aux lendemains des indépendances africaines, le continent s’est structuré autour de l’urgence des entités étatiques à construire et à fonctionner comme des États modernes au sens occidental du terme. Depuis lors et au nom des référents identitaires et/ou politiques, des solidarités ethniques, l’Afrique centrale se compose, se décompose et se recompose autour de la transformation des catégories sociologiques et anthropologiques en fragments culturels parfois rivaux. Au cours des cinquante dernières années et bien plus tard, les conflits circonstanciés se sont accompagnés d’une violence jugée sidérale par certains analystes. Les êtres humains qui en usent, bien que n’étant pas génétiquement programmés pour/et dans la violence, en assurent l’entretien. Entre autres modes de déploiement, les stéréotypes culturels, les référents intellectuels, les codes littéraires et scientifiques qui structurent les rapports gouvernants-gouvernés. Exaltée ou stipendiée, la violence, mode expressif des belligérants en situation de guerre ou en conflit, structure les rapports gouvernants-gouvernés par sa reproduction, sa fertilité et sa simultanéité.

Elle n’est ni atavique, ni organique. Elle est l’expression du malaise, du refus de l’autorité et conditionne l’existence des sociétés étatiques structurellement autocratiques. Elle est réinvention coloniale, reproduction néo-coloniale et perversion de la société et du pouvoir politique. L’Afrique centrale est présentée par plusieurs analystes comme une sous-région de permanence conflictuelle avec la recrudescence des conflits intra étatiques post guerre froide. C’est dans ce contexte que la CEEAC va adopter le 24 février 2000 à Malabo, le protocole relatif au COPAX qui a été révisé le 18 décembre 2019 à Libreville. Cet instrument, une première pour l’Afrique centrale donc l’expertise s’oriente sur les questions de paix et de sécurité en zone CEEAC avec deux organes fards qui sont chargés de la prévention et de la gestion des conflits armés en Afrique centrale. Comme organe de prévention nous avons le MARAC (mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale) et la FOMAC (Force multinationale de l’Afrique centrale) avec comme première expérience « la Centrafrique » dès juin 2008 en remplacement de la FOMUC (Force multinationale centrafricaine) déployée en 2003 à Bangui après la prise de pouvoir de Bozizé de façon anticonstitutionnelle au détriment de Patassé.

En quoi est-il important pour la 22ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement (CCG) qui se réunit ce samedi 25 février 2023 à Kinshasa de réellement poser à chaque Etat membre les problèmes des contributions financières. Aujourd’hui, plusieurs questions sont au cœur de l’agenda de la CCG, mais il faut un regard aiguisé sur la prévention des crises et des conflits en Afrique centrale notamment son financement pour plus d’opérationnalisation. L’Afrique centrale se veut un espace compétitif à travers ces mécanismes mis en place, mais il reste un malaise, la contribution extérieure très visible dans les missions de paix et de sécurité ; la concrétisation aux standards internationaux du MARAC qui est le mini SCAR et la prise en compte globale des difficultés de l’Etat-major et rendre possible la seconde brigade comme dans l’hypothèse d’origine. La preuve, lors des réunions simultanées des ministres du COPAX, du Budget et de la justice des Etats membres de la CEEAC organisées le 19 février 2023 à Kinshasa en prélude à la 22ème session ordinaire de la CCG, le Président de la Commission de la CEEAC, Gilberto Da Piedade Verissimo a insisté sur la question relative à la mise en œuvre des mécanismes de financement de l’Institution pour son véritable opérationnalisation ; ainsi, va-t-il déclaré : « Notre institution est à un tournant important de son parcours. Notre devoir est donc de préserver et de consolider la CEEAC, notre instrument d’intégration et de coopération régionale pour le bien-être et l’épanouissement de nos populations. »

Le 18 février 2023, les réunions des chefs d’état-major, de Hauts fonctionnaires des Affaires Etrangères et celles de deux comités techniques spécialisés sur les affaires juridiques et financières d’une part et le comité technique spécialisé sur la Défense, la sûreté et la Sécurité de la CEEAC, d’autre part, ont communiqué sur plusieurs questions. Les points des débats ont été plus orientés sur le MARAC et la FOMAC : le projet de Mémorandum d’Entente entre la Commission et les Etats membres de la CEEAC sur les capacités promises de la FOMAC ; le plan de distribution des postes au sein de l’Etat-major Régional de la FOMAC ; le format du rapport de la situation politique et sécuritaire du MARAC incluant l’analyse prospective et stratégique ; le rapport périodique sur la situation politique et sécuritaire des Etats membres ; le projet de règlement d’organisation et de gestion du Dépôt logistique Régional et de son organigramme ; enfin, l’amélioration de la trésorerie de la Commission de la CEEAC.

Le Gabon, pays leader dans la CEEAC, reprend la présidence pour un an après la RDC. En rappel, de 2016 à 2020 pendant la précédente présidence du Gabon, il y a eu une grande réforme institutionnelle en 2019. Le MARAC et la FOMAC méritent d’être renforcés à travers les ressources humaines, les ressources techniques, logistiques et financières. Ces deux mécanismes sont des organes de prévention et de règlement de conflits. Il est urgent que les finances relatives à leur véritable opérationnalisation soient effectives. Il faut également pour ce mandat, mettre une collaboration entre le Comité des Sages, le MARAC et la FOMAC. Ce dernier a été créé en 2019 et est chargé de fournir les services consultatifs à l’organe sur les questions relatives aux affaires politiques ; à la prévention des conflits, à la promotion et au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique centrale et composé des autorités religieuses et traditionnelles, des responsables politiques et des anciens hauts responsables des forces de défense et de sécurité pour jouer le rôle de médiateur, de facilitateur mais également de conciliateur ainsi, au-delà des questions environnementales sous l’angle des crédits carbone et de la Libre circulation dans l’espace CEEAC, le Gabon en tant qu’Etat leader depuis feu Omar Bongo Ondimba sur les questions de la sécurité collective, doit marquer un énième point bénéfique à la communauté sur les mécanismes de financement du processus d’intégration régionale. En effet, nous ne pouvons pas parler des questions environnementales (bien que très important), de libre circulation sans mettre en avant la question relative à la paix et à la sécurité car sans ces deux notions, la communauté est déstructurée.

Pendant ce mandat du Gabon à la présidence de la CEEAC, l’Institution devra de façon pragmatique, travailler avec le Comité des Sages donc la particularité sera de faire appel aux mécanismes endogènes de traitement de différents et de la construction d’une communauté de valeurs. Le Professeur Jean-François OWAYE, pense que pour résoudre les conflits qui minent l’Afrique, les intellectuels africains ont convoqué les savoirs positifs historiques, ethno-philosophiques et socio-anthropologiques cumulés depuis le XIXème siècle au moins, pour améliorer la paix par les organisations internationales ou régionales. L’homme de sciences montre l’importance de ces savoirs. Pour lui, ces mécanismes de paix endogènes ont préservé nos sociétés négro-africaines des guerres inter ou intra étatiques à travers les « phénomènes-causes » de la résilience face aux guerres qui ne sont rien d’autres que la solidarité entre les vivants et entre les vivants et les ancêtres ; le territoire et l’identité qui font appellent au vivre ensemble et la préservation de l’intérêt commun ; les modes de pensée et la cosmogonie. Pour consolider le climat de paix de l’espace CEEAC, il est plus qu’urgent d’inscrire ces savoirs endogènes de prévention et règlement de conflit dans l’agenda 2023-2024 sur le volet paix et sécurité.

La CEEAC est donc encouragée à collaborer avec les universitaires de l’Afrique centrale spécialistes des questions relatives à la préservation du climat de paix, notamment des questions de bonne gouvernance politique, économique et socio-économique pour que les questions environnementales et bien d’autres évoluent dans ce climat. Napoléon disait : « La guerre est un art simple et tout d’exécution ». Ceci pour dire que l’exercice du Leadership est souvent un processus plus qu’une donnée stable et durable. Il s’apprend ou se renforce par l’épreuve du feu. L’expérience gabonaise n’est plus à débattre sur son implication active dans les questions de la sous-région. Le Gabon est capable de par ses expériences, impulser à nouveau, la conciliation des peuples afro-centraliens malgré la divergence des intérêts qui s’est installée. Ce partage d’expériences devra aboutir aux normes sociales communes afin de générer au final des intérêts collectifs, fruit de l’identification à un destin commun.

Par Ngningone Ateme Marie-Claude, Chercheur en Histoire des Relations Internationales, spécialiste Prévention et Gestion des conflits armés en Afrique