Depuis 2013, l’épidémie, sous contrôle après 2016, a fait plus de 11 000 morts. Une résurgence inquiète les autorités aux prises avec le Covid.

A quelques jours d’intervalle, des cas d’infection au virus Ebola sont réapparus en République démocratique du Congo (RDC) et en Guinée. Le 3 février, une agricultrice d’une quarantaine d’années est décédée à l’hôpital Matanda de Butembo au Nord-Kivu, une des provinces orientales de RDC. Elle s’était présentée quelques jours plus tôt au centre de santé de Biena, un village situé à 90 km, avant d’être transportée pour contrôler l’origine de signes hémorragiques persistants, rapporte le journal le monde. Trois autres personnes, dont une a succombé, ont également été testées positives. En Guinée, la première victime connue est une infirmière décédée le 28 janvier à Gouecké, une ville située dans une zone forestière à plus de 800 km à l’est de la capitale, Conakry. Au total, huit personnes au moins, appartenant toutes à sa famille, ont aussi été contaminées, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Trois sont mortes.

Contrôle de la température d’un visiteur à l’hôpital Matanda, à Butembo (Nord-Kivu), le 11 février 2021.

Si ces deux pays sont distants de plusieurs milliers de kilomètres, excluant a priori tout lien entre ces événements concomitants, ce retour d’Ebola, virus qui provoque une fièvre brutale, des maux de tête, des vomissements et diarrhées, réveille localement les mêmes craintes. En 2013, la Guinée a été le point de départ d’une flambée épidémique qui s’est rapidement étendue à la Sierra Leone et au Liberia voisins. Trois années ont été nécessaires pour en venir à bout, et 11 300 personnes sont mortes (sur 28 600 cas recensés), soit le plus lourd bilan enregistré pour ce virus originaire d’Afrique centrale et découvert par les scientifiques au milieu des années 1970.

Spectre d’une autre crise

De son côté, la RDC venait il y a seulement quelques semaines – le 18 novembre – de décréter la fin de sa 11e épidémie. Là aussi, la gravité de la situation, avec plus de 2 200 morts, avait justifié que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare, un an et demi plus tôt, le pays en situation d’urgence de santé mondiale.

Alors que les moyens disponibles dans ces pays à faibles revenus sont déjà en grande partie mobilisés pour faire face à la pandémie de Covid-19, le spectre d’une autre crise sanitaire a conduit les gouvernements à appeler sans tarder l’OMS en renfort.

Dans la province du Nord-Kivu, un centre de prise en charge Ebola a été réactivé à Butembo et la recherche des cas contacts a commencé. Près de 300 ont déjà été identifiés. L’OMS a annoncé lundi 15 février avoir débuté en priorité la vaccination des personnels de santé les plus exposés. « Un millier de doses ont été acheminées à Butembo. Elles doivent être injectées d’ici à dix jours car, comme le vaccin Pfizer-BioNTech contre le Sars-CoV-2, le sérum élaboré par Merck se conserve à – 80 °C. Aucune structure de la ville ne peut garantir de telles températures, explique Jean Metenier, responsable du bureau de l’Unicef à Goma, qui assure la logistique dans la réponse aux urgences sanitaires. Les stocks de matériel de protection individuelle et de désinfection gardés depuis la dernière épidémie vont être distribués. » La présence de groupes armés rend toutefois le déploiement des équipes médicales difficile. Le village de Biena est sous le contrôle de milices maï maï avec lesquelles ONG et représentants des institutions internationales doivent négocier leur droit d’accès.

Séquençage en cours

En Guinée, la riposte aussi s’organise et un premier vol humanitaire d’urgence a décollé lundi pour Nzérékoré où seront regroupées les équipes d’intervention.

Dans les deux pays, les prélèvements réalisés sur les premiers malades sont en cours de séquençage pour déterminer s’il s’agit de la souche la plus commune du virus dite Zaïre ou d’un variant. Il est trop tôt pour expliquer les raisons de la résurgence de cette fièvre hémorragique hautement mortelle. Plusieurs hypothèses existent. « La plus probable est liée à une nouvelle interaction entre l’homme et la chauve-souris, dont on sait qu’elle est le réservoir hôte du virus, explique l’immunologiste Aurélie Wiedemann, du Vaccine Research Institute (Paris). Ou avec un autre animal porteur comme le chimpanzé. »

La persistance du virus chez les individus guéris pourrait offrir une autre piste. Plusieurs études, dont une menée par Mme Wiedemann sur les survivants d’Ebola après l’épidémie de 2013 en Guinée, ont permis de montrer que la présence du virus était décelable dans les fluides corporels dont le sperme jusqu’à quarante mois après la guérison. Se pourrait-il alors que le virus devienne à nouveau actif après avoir été mis en sommeil ? Quoi qu’il en soit, l’urgence est dans l’immédiat de maîtriser tous les risques de nouvelles propagations.

S/le monde